Introduction aux limites planétaires

Site: Plate-forme d'Enseignement de Nantes Université
Cours: Le système Terre à l'anthropocène
Livre: Introduction aux limites planétaires
Imprimé par: Гость
Date: dimanche 19 mai 2024, 02:08

Description

1. A propos de cette séquence

Acquis d'apprentissage

  • Etre capable de définir la notion de limite planétaire et le vocabulaire associé
  • Etre capable d’expliquer à quoi correspond chacune des 9 limites planétaires et de décrire l’état de chacune de ces limites (limite quantifiée ou non, dépassée ou non)
  • Effectuer une recherche et/ou exploiter des documents pour comprendre les atteintes associées à une limite planétaire (exemple : pollutions à l’origine de la destruction de la couche d’ozone, origine et conséquences de la perturbation du cycle de l’azote…)
  • Etre capable d’expliquer brièvement à quels risques nous expose le dépassement des limites planétaires

2. Que sont les limites planétaires ?

La stabilité de l’environnement planétaire que nous avons connue au cours des 10 derniers millénaires (époque de l’Holocène), et qui a vu les civilisations humaines apparaître et se développer, est à présent menacée par les activités humaines, devenues le principal facteur des changements environnementaux. En l’absence de pression anthropique, les conditions de stabilité de l’Holocène pourraient se maintenir pendant encore des milliers d’années, cependant les activités humaines font courir des risques de plus en plus élevés de changements irréversibles et brutaux de l’environnement planétaire, le système Terre pouvant alors sortir de la zone de stabilité associée à l’Holocène (si ce n’est déjà le cas).

Le concept de limites planétaires est proposé en 2009 par Johan Rockström et un groupe international de 28 scientifiques. De telles limites ont pour but de délimiter un « espace sûr pour l’humanité », assurant le maintien des conditions de l’Holocène. En revanche, le dépassement de ces mêmes limites fait courir le risque de changements environnementaux pouvant advenir de manière abrupte (phénomènes de basculement dits « non linéaires »), avec des effets délétères, voire catastrophiques pour les humains et les écosystèmes.

« Les limites planétaires sont les seuils que l'humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer et pour pouvoir durablement vivre dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l'environnement planétaire. »

2.1. Les 9 limites

Rockström et al. ont identifié les neuf limites planétaires listées ci-dessous. Celles-ci ont été mises à jour en 2015 par Steffen et al.  :

  • Changement climatique
  • Intégrité de la biosphère
  • Appauvrissement de l’ozone stratosphérique
  • Acidification des océans
  • Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore
  • Changement d’affectation des sols
  • Perturbation du cycle de l’eau douce
  • Charge atmosphérique en aérosols
  • Introduction d’entités nouvelles (substances chimiques de synthèse, matériaux ou organismes créés ou modifiés tels que les matières plastiques, les nanoparticules, les OGM…)

Dans cette liste, une hiérarchie est précisée, le changement climatique et l’intégrité de la biosphère étant qualifiés de « limites planétaires centrales » (core planetary boundaries), d’importance fondamentale pour le système Terre. En effet, des changements importants affectant le climat ou la biodiversité (par ailleurs étroitement liés) pourraient à eux seuls faire sortir le système Terre des conditions de l’Holocène.

2.2. Dépassement des limites planétaires

En 2009, 3 limites sont déjà réputées franchies :

  • Le changement climatique (avec à l’époque une concentration de 387 ppm de CO2 atmosphérique, supérieure à la limite fixée à 350 ppm) ;
  • L’intégrité de la biosphère (avec un taux supérieur à 100 extinctions par million d’espèces et par an, plus de 10 fois supérieur à la limite fixée à 10 extinctions par million d’espèces et par an) ;
  • Les cycles biogéochimiques, avec 121 Mt/an de N2 prélevés dans l’atmosphère par les activités humaines, pour une limite proposée à 35 Mt/an. 

En 2015, la limite relative aux cycles biogéochimiques est également franchie en ce qui concerne le phosphore (extrait des mines et utilisé pour fertiliser les sols). Une quatrième limite est franchie :

  • Le changement d’affectation des sols : la surface couverte de forêts est estimée à 62% de ce qu’elle était avant défrichement par l’humanité, ce qui est inférieur à la limite proposée, égale à 75%.

En 2022, de nouveaux travaux de recherche suggèrent que deux limites supplémentaires sont franchies :

  • L’introduction d’entités nouvelles ;
  • La perturbation du cycle de l’eau douce, et plus particulièrement de l’eau dite verte (c’est-à-dire les précipitations terrestres, l’évaporation et l’humidité des sols), essentielle au fonctionnement des écosystèmes terrestres. La limite correspondant à l’eau dite bleue (lacs, cours d’eau, réservoirs, aquifères) reste, à ce jour, non franchie.

Deux limites sont toujours, à ce jour, non franchies :

  • L’ozone stratosphérique
  • L’acidification des océans.

La 9e limite, relative à la charge atmosphérique en aérosols, n’est à ce jour pas quantifiée.

Représentation des limites planétaires en 2022

Adapté de : "Azote for Stockholm Resilience Centre, based on analysis in Wang-Erlandsson et al. 2022". Licence CC BY-NC-ND 3.0

2.3. Variables de contrôle et de réponse, espace sûr et zone de risque

Pour chaque limite planétaire identifiée, une (parfois deux) variable(s) de contrôle sont proposées.

  • Ainsi, pour la limite planétaire « changement climatique », la concentration atmosphérique en CO2 est l’une des deux variables de contrôle (la 2e étant l’augmentation du forçage radiatif au sommet de l’atmosphère). La(les) variable(s) de réponse illustrent le comportement du système Terre en réponse à la perturbation de la variable de contrôle.
  • Pour le climat, des exemples de variables de réponse sont la température globale moyenne de surface, le niveau des océans (qui augmente), la masse de glace continentale (qui diminue), etc.

La figure ci-dessous illustre le cas d’une limite planétaire associée à un point de bascule (tipping point). La limite planétaire est alors définie comme la valeur de la variable de contrôle à ne pas dépasser pour rester dans un espace sûr pour l’humanité. Le franchissement de la limite fait rentrer dans une zone de risque de déstabilisation du processus considéré.

Hétérogénéité mondiale des limites planétaires, avec un seuil continental/global

Adapté de "Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet" par Steffen W., Richardson K., Rockström J., Cornell S.E., et.al. (2015).

Il est à noter que la position du point de bascule (lorsque ce dernier existe) n’est généralement pas connue. Dans le cas du changement climatique, la zone d’incertitude estimée pour la concentration atmosphérique en CO2 est l’intervalle 350-450 ppm et la valeur de la limite planétaire proposée par Steffen et al. est 350 ppm. Celle-ci est largement dépassée en 2022, à 417 ppm (source : Global Carbon Budget).

2.4. Critique des limites planétaires

Les limites planétaires se situent dans le cadre de la « Science du système Terre », un domaine apparu dans les années 1980. Il s’agit d’une science encore jeune, qui cherche à décrire et à comprendre le comportement de la Terre, considérée comme un système, en étudiant ses composantes et leurs interactions, et en incluant les activités humaines. La très grande complexité du système rend la tâche extrêmement difficile, avec d’inévitables simplifications et des incertitudes importantes.

Un autre aspect est que les limites planétaires se focalisent sur la stabilité et les processus de régulation du système Terre. Elles laissent ainsi de côté la question des ressources naturelles, dont la raréfaction pourrait pourtant menacer l’avenir de l’humanité dans le courant du XXIe siècle.

Le concept de limites planétaires rencontre un certain écho au sein de grandes institutions nationales et internationales. Il constitue un cadre de réflexion dont l’intérêt majeur est de questionner les fondements de nos sociétés, ces dernières devant désormais intégrer l’existence d’un ensemble de limites (pas seulement le changement climatique), et prendre en compte les risques existentiels que fait courir leur dépassement du fait de nos activités.

Cependant, la traduction en décisions politiques et en actions concrètes se heurte à de nombreuses difficultés. N’oublions pas, en effet, que la responsabilité historique du dépassement des limites planétaires n’est pas le fait d’une humanité homogène. Les limites planétaires soulèvent ainsi l’enjeu majeur du partage équitable des capacités de la Terre à fournir des ressources et des services.

3. Idées d'activités

  • Born in ... PPM (disponible en anglais et en français)
    Ce projet photographique a pour vocation de montrer l'accélération de la concentration en CO2 depuis la Révolution Industrielle. Les participants posent avec le taux mesuré de leur année de naissance. Vérifier les taux pour son année de naissance, puis celle de ses parents, de ses grands-parents... permet de prendre la mesure de l'accélération rapide de ces dernières années.

4. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrage
  • Boutaud A. et Gondran N., 2020. Les limites planétaires. La découverte, coll. Repères, 128 p.
Articles
  • Rockström J., Steffen W., Noone K., Persson Å., et al. 2009. Planetary boundaries: exploring the safe operating space for humanity. Ecology and Society, 14(2):32. En ligne (consulté le 29/05/2023).
  • Rockström J., Steffen W., Noone K., Persson Å., et al. 2009. A safe operating space for humanity. Nature, 461:472-475. En ligne (consulté le 29/05/2023).
  • Steffen W., Richardson K., Rockström J., Cornell S.E., et.al. 2015. Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet. Science 347: 736, 1259855. En ligne (consulté le 29/05/2023)
  • Persson L., Carney Almroth B.M., Collins C.D., Cornell S., et al. 2022. Outside the safe operating space of the planetary boundary for novel entities. Environmental Science & Technology, 56(3), 1510-1521. En ligne (consulté le 29/05/2023)
  • Wang-Erlandsson L., Tobian A., van der Ent R.J., Fetzer I., et al. 2022. A planetary boundary for green water. Nature Reviews Earth & Environment, Vol. 3, p. 380-392. En ligne (consulté le 29/05/2023).
Sites web

Pour aller plus loin...

Vidéo

5. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition : octobre 2023