Combien de gaz à effet de serre peut-on encore émettre pour ne pas dépasser 1,5 ou 2°C de réchauffement global ?

Site: Plate-forme d'Enseignement de Nantes Université
Cours: Le système Terre à l'anthropocène
Livre: Combien de gaz à effet de serre peut-on encore émettre pour ne pas dépasser 1,5 ou 2°C de réchauffement global ?
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Date: mardi 23 juillet 2024, 00:25

Description

1. A propos de la séquence

Acquis d'apprentissage

  • Être capable d’aborder une figure ou un document extrait des rapports du GIEC
  • Faire la relation entre émissions cumulées de CO2 et niveau de réchauffement global
  • Savoir définir : budget carbone restant, émissions nettes de CO2 égales à zéro, émissions négatives
  • Connaître les ordres de grandeur du budget carbone restant permettant de limiter le réchauffement global à 1,5 ou 2°C.
  • Déterminer les émissions cumulées associées à une courbe d’émissions en fonction du temps (aire sous la courbe).

2. Qu’est-ce que le « budget carbone restant » ?

La communauté scientifique a établi l’existence d’une relation approximativement linéaire entre les émissions cumulées de CO2 et le réchauffement global qui en résulte.

Représentation de la relation quasi linéaire entre les émissions cumulées de CO2 et le réchauffement climatique

GIEC - Traduction Bon Pote / Licence CC 4.0

Cela s’explique notamment par la très longue durée de séjour du CO2 dans l’atmosphère (de l’ordre du siècle). De cette relation découle le fait que pour rester sous une température moyenne globale donnée, il ne faut pas dépasser un certain niveau d’émissions cumulées. Tout dépassement de ce niveau se traduira par un accroissement de la probabilité de dépasser la limite de température fixée.

Définitions

Budget carbone restant
« Estimation des émissions mondiales nettes cumulées anthropiques de CO2, depuis une date donnée jusqu’au moment où ces émissions deviennent égales à zéro, qui permettraient, avec une certaine probabilité, de limiter le réchauffement planétaire à un niveau déterminé, compte tenu des impacts des autres émissions anthropiques ».Réf. biblio
Émissions nettes de CO2 égales à zéro
« Les émissions nettes de dioxyde de carbone (CO2) sont égales à zéro lorsque les émissions anthropiques de CO2 sont compensées à l’échelle du globe par l’élimination anthropique de CO2 pendant une période donnée ».Réf. biblio
Remarque
Les expressions « zéro émission nette » ou « neutralité carbone » sont synonymes et correspondent à un bilan équilibré entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme ou de son fait.

2.1. A combien s’élève le budget carbone restant pour ne pas dépasser 1,5 ou 2°C ?

Les émissions cumulées historiques en 2020 s’élèvent à environ 2400 GtCO2

Graphique montrant les émissions cumulées de CO2 historiques 1850-2020, et celles prévues jusqu'en 2050 selon 5 scénarios

Source : GIEC. Traduction : Bon Pote. Licence CC 4.0

Le budget carbone restant en 2020 pour rester sous les 1,5°C avec une probabilité 50% est de 500 GtCO2, soit environ 12 ans au niveau d’émissions de 2020. Cela signifie que ce budget carbone restant sera épuisé en 2032 en faisant l’hypothèse d’un maintien des émissions à leur niveau de 2020 (environ 40 GtCO2 émises par an). Cette dernière hypothèse correspond aux politiques actuellement mises en œuvre par les différents pays, au niveau mondial (voir figure ci-dessous).

Graphique présentant les émissions de GES probables selon les politiques internationales en vigueur actuellement

Source : GIEC. Traduction : Bon Pote. Licence CC 4.0

Le budget carbone restant en 2020 pour rester sous les 2°C avec une probabilité de 83% est de 1000 GtCO2, soit environ 25 ans au niveau d’émissions de 2020.

Les émissions associées aux infrastructures exploitant les énergies fossiles, existantes ou planifiées, extrapolées en considérant la durée de vie de ces installations, s’élèvent à un peu moins de 1000 GtCO2. Pour respecter l’objectif de l’accord de Paris, il conviendrait donc de ne pas construire de nouvelles installations et/ou de fermer des installations en service avant la fin de leur durée de vie.

2.2. Quelles trajectoires sont compatibles avec un budget carbone restant permettant de ne pas dépasser 1,5°C ou 2°C ?

L’aire sous la courbe des émissions (égale à la somme des émissions annuelles décrites par cette courbe) doit être inférieure ou égale au budget carbone restant que l’on se fixe.

Graphique montrant les projections d'émissions nettes mondiales de CO2 par rapport aux trajectoires pour rester à 1,5 ou 2°C
GIEC Traduction Bon Pote / Licence CC 4.0

  • Le budget carbone restant le plus réduit, correspondant à l’objectif de 1,5°C, se traduit par la décroissance des émissions la plus rapide, avec zéro émission nette de CO2 aux alentours de 2050.
  • Un budget carbone restant un peu plus élevé est associé à l’objectif de 2°C, avec zéro émission nette de CO2 aux alentours de 2070.
  • Les émissions de gaz à effet de serre que laissent présager les politiques actuellement mises en œuvre ne permettent pas de limiter le réchauffement en dessous de 2°C.

2.3. Quels scénarios permettent de stabiliser la température globale ?

Graphique montrant le changement de la température mondiale par rapport à 1850-1900 et selon 5 scénarios

GIEC Traduction Bon Pote / Licence CC 4.0

Seuls les scénarios correspondant à des émissions futures basses (SSP1-2.6) ou très basses (SSP1-1.9) permettent de limiter l’élévation de la température moyenne planétaire à 2°C (toujours par rapport aux températures préindustrielles) à l’horizon 2100.

Les scénarios intermédiaires (SSP2-4.5), fortement émissifs (SSP3-7.0) ou très fortement émissifs (SSP5-8.5) correspondent à des niveaux de réchauffement de l’ordre de (respectivement) 3°C, 4°C et supérieur à 4°C à l’horizon 2100. Dans ces trois cas, le réchauffement se poursuit au-delà de 2100.

2.4. Des données scientifiques à méditer

Les courbes de la figure suivante montrent sans ambiguïté l’ampleur et le rythme des réductions d’émissions de CO2 et, plus largement, de l’ensemble des GES, nécessaires pour contenir le réchauffement climatique sous les 1,5 ou 2°C, comme le prévoient les engagements des pays signataires de l’accord de Paris. De telles réductions représentent une transformation profonde, qui touche l’ensemble des secteurs d’activité : fourniture d’énergie, transport, industrie, bâtiment, changement dans l’utilisation des terres…

Politiques mises en place pour la limitation des émissions de gaz à effet de serre

GIEC Traduction Bon Pote / Licence CC 4.0

La trajectoire actuellement suivie ne nous place malheureusement pas sur la bonne voie, puisque nous nous acheminons vers un réchauffement à +2,8°C à l’horizon 2100, ce qui nous expose à des risques/impacts décrits dans la leçon « Pourquoi se fixe-t-on l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C et, si possible, à 1,5°C ? ».

Le GIEC avertit ainsi dans la synthèse du 6e rapport d’évaluation : « Le changement climatique constitue une menace pour le bien-être humain et la santé planétaire (degré de confiance très élevé). Il existe une fenêtre d’opportunité qui se réduit rapidement pour assurer un avenir vivable et durable pour tous (confiance très élevée). […] Les choix et les actions mis en œuvre au cours de cette décennie auront des impacts aujourd’hui et pendant des milliers d’années (degré de confiance élevé) ».Réf. biblio

2.5. Complément : notion d'émissions négatives de CO2

Cette figure présente des scénarios compatibles avec un réchauffement planétaire de 1.5°C par rapport aux températures préindustrielles. Elle montre que plus on tarde à réduire les émissions, plus il faut compenser par des émissions négatives après 2050 pour « rattraper » le dépassement de budget avant 2050 (la courbe S5 est le cas le plus marqué). Des émissions négatives d’un tel niveau (jusqu’à -20 GtCO2) constituent un pari (très risqué) car il s’agit de technologies qui n’ont jamais été appliquées et/ou testées à cette échelle, et qui ne sont pas forcément opérationnelles à ce jour.

Figure présentant des scénarios compatibles avec un réchauffement de 1.5°C par rapport aux températures préindustrielles

Source : GIEC, 2018, Summary for Policymakers. In: Global Warming of 1.5°C

Certaines courbes de la figure précédente et de la figure ci-dessus passent sous l’axe des abscisses, ce qui correspond à des émissions nettes de CO2 négatives.

Cela signifie que l’on élimine alors du CO2 de l’atmosphère. Le GIEC définit l’Élimination du dioxyde de carbone comme l’ensemble des «activités anthropiques qui permettent d’éliminer le CO2 de l’atmosphère et de le stocker, de manière durable, dans des réservoirs géologiques, terrestres ou océaniques, ou dans des produits. Sont comprises dans ces activités la valorisation anthropique, qu’elle soit actuelle ou potentielle, des puits biologiques ou géochimiques et le captage direct dans l’air et le stockage, mais en sont exclues le piégeage naturel de CO2 qui n’est pas causé directement par des activités humaines ». Réf. biblio

Lorsqu’on retire des GES de l’atmosphère, on parle d’émissions négatives. Plusieurs méthodes permettent de réaliser des émissions négatives (qui concernent essentiellement le CO2) :

  • Renforcer les puits de carbone naturels (forêts, sols, océans) : ex. reforestation, modification de l’utilisation des sols ;
  • Recourir à des technologies de captage et séquestration de CO2. Par exemple : utilisation de bioénergie (énergie tirée de toute forme de biomasse ou de ses sous-produits métaboliques) avec captage et stockage du CO2.
Remarque
Le GIEC ne préconise pas de recourir à des technologies d’émissions négatives, mais certains scénarios intègrent de telles émissions. Il est important de remarquer que le recours massif à la bioénergie avec captage et stockage de CO2 (courbes S2 et S5) peut être source de conflits d’usage des terres (conflit entre production de bioénergie, production alimentaire et préservation de la biodiversité).

3. Idées d'activités

Interagir en groupe sur le contenu de la leçon

  • Ce que cette leçon signifie
  • Les effets qu’elle produit (y compris sur le plan émotionnel)

Travailler à partir des travaux originaux du GIEC

Ces travaux, ainsi que des versions plus longues du rapport, sont disponibles en version originale (anglais) à l'adresse suivante :

Calculer les émissions cumulées de GES sur une période donnée à partir d’une courbe d’émissions (par exemple, celles de la Fig. 3.b) et les comparer au budget carbone restant associé à 1,5°C ou 2°C.

4. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Rapports
  • GIEC, 2018. Réchauffement planétaire de 1,5°C. Résumé à l’intention des décideurs, encadré RID.1. (consulté le 21/08/2023).
  • IPCC, 2023: Summary for Policymakers, C1, p.24.  In: Climate Change 2023: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. (consulté le 21/08/2023).

Pour aller plus loin...


Site web

5. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  octobre 2023