Progrès des sciences et techniques, développement de l'économie et augmentation de la production

Site: Plate-forme d'Enseignement de Nantes Université
Cours: Les relations Humains Nature(s) en anthropocène
Livre: Progrès des sciences et techniques, développement de l'économie et augmentation de la production
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Date: mardi 23 juillet 2024, 00:29

Description

1. A propos de cette séquence

Acquis d'apprentissage

  • Comprendre dans quelle mesure les idées et les découvertes techniques ont convergé pour permettre aux humains de transformer le monde
  • Comprendre comment l'économie, absente des préoccupations politiques comme des débats d'idées jusqu'au 17ème siècle, a fait son apparition en tant que sphère de réalité autonome au 18ème, acquis le statut de science et est devenue hégémonique aujourd'hui

2. La raison et le progrès

Comme le XVIIe, le XVIIIe siècle occidental est placé sous le signe de la Raison et de ses instruments, les sciences et techniques, qui vont permettre des inventions de plus en plus efficaces. C'est donc le siècle de la foi dans le Progrès et dans la Raison. Selon Kant, l'Humain sort de sa minorité grâce à sa Raison. Grâce à celle-ci il lutte contre les illusions, les fables, les préjugés, la tradition, l'autorité. L'homme est capable de se donner à lui-même sa propre loi (d'être autonome).

Sapere aude : aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

— Kant

C'est Francis Bacon qui emploie le premier le terme de progrès non plus seulement dans son sens spatial (avancer) mais aussi dans son sens d'amélioration. L'idée d'un temps orienté (illustré par le judéo-christianisme et l'idée d'un début des temps et d'une fin des temps) au cours duquel les connaissances s'accumulent et se transmettent comme si l'humanité entière devenait plus intelligente s'impose.

C'est le sujet de l'ouvrage de Condorcet écrit en 1793 : "Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain". Le progrès est celui des connaissances, l'esprit humain progresse à travers les différentes époques qui vont de l'invention de la langue, puis de l'agriculture et de l'écriture, à celle de l'imprimerie, aux Lumières. Neuf époques sont passées, Condorcet imagine la dixième époque, l'avenir c'est un programme scientifique de maitrise de la nature et des mécanismes sociaux. Mais c'est aussi un projet moral car le progrès des connaissances va de pair avec le progrès moral.

Nos espérances sur l'état à venir de l'espèce humaine peuvent se réduire à ces trois points importants : la destruction de l'inégalité entre les nations ; les progrès de l'égalité dans un même peuple ; enfin le perfectionnement réel de l'homme.

— Condorcet

2.1. La valorisation des techniques

La fin de l'époque moderne voit une réhabilitation de la technique (les « arts mécaniques »), jusque-là méprisée par de grands savants et philosophes.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, "l'Encyclopédie" (1751-1772) met les « arts et métiers » au même niveau que les sciences. Ce changement de paradigme intellectuel crée des conditions très favorables au développement de nouvelles techniques et à leur déploiement rapide.

Les premières inventions industrielles, destinées à accroître la production, et qui sont en partie à l'origine de la Révolution industrielle, font leur apparition dans le domaine du textile. En 1733, John Kay conçoit un dispositif pour lancer la navette de tissage à l'aide de leviers de manière à remplacer le tissage manuel. Des machines à filer toujours plus perfectionnées se succèdent : la « spinning jenny » en 1765 (voir ci-dessous), le « water-frame » en 1769 et surtout la « mule-jenny » en 1779.

La spinning jenny en action

La Spinning Jenny en action

Du côté de la métallurgie, la technique de transformation de la houille en coke est mise au point en 1735 : elle permet d'obtenir dans les haut-fourneaux une fonte d'une bien meilleure qualité. En 1784 est inventé le « puddlage » qui affine la fonte par brassage à haute température sur feu de coke dans un four à réverbère, ce qui permet de diminuer la consommation en charbon de bois à un moment où se pose le problème de la disparition progressive des forêts.

Mais l'invention capitale est celle de la machine à vapeur en 1769 par l'écossais James Watt. Si ces innovations techniques restent essentiellement cantonnées à l'Angleterre qui a déjà démarré vers les années 1780 sa révolution industrielle, elles posent les bases de la révolution industrielle qui prendra son véritable essor au XIXe siècle.

2.2. L'invention de l'économie, l'oubli de la Nature

Deux faits majeurs constituent les ferments du bouleversement majeur dont le XVIIIe siècle est le théâtre.

  • D'une part, l'enrichissement individuel et le luxe sont légitimés (par exemple dans la fameuse Fable de Mandeville, voir ci-dessous)
  • D'autre part, un nouveau domaine de réalité émerge, répondant à des lois spécifiques : l'économie.



Avec les "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des Nations" d'Adam Smith, publie en 1776, nait à la fois un nouveau domaine et une nouvelle discipline spécialiste des lois qui le régissent : l'économie.

Si à ses débuts, l'économie s'intéresse à la Nature et aux lois naturelles – c'est encore le cas chez Smith, Ricardo et Malthus à la suite des Physiocrates qui avaient mis la Nature au centre de leurs représentations et voyaient dans les efforts déployés par les humains contre cette nature résistante l'origine de la valeur des biens - , cela ne va plus être le cas de l'économie néo-classique. Jean-Baptiste Say exclut donc les « richesses naturelles » de la sphère de l'économie politique « par la raison qu'elles ne peuvent être ni produites, ni distribuées, ni consommées ». Les néo-classiques voient bien dans la terre un facteur de production mais non limitant : la production nécessite une habile combinaison de travail, de terre et de capital, qui sont désormais substituables (on peut remplacer des quantités de l'un par des quantités de l'autre et obtenir la même production). La terre n'est plus un facteur matériel résistant, une force de rappel, une matière qui s'oppose : la finitude a disparu. Il n'y a plus dans cette représentation une extériorité susceptible de subir des modifications.

Les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences économiques.

— Say

Les ressources naturelles susceptibles de faire l'objet d'un échange voient en revanche leur utilisation réglée par le prix. L'économie dominante s'est peu à peu détachée de la réalité, elle s'est désencastrée des lois qui régissent les phénomènes naturels, et s'est en quelque sorte peu à peu autonomisée.

2.3. Révolution industrielle et désenchantement du monde

L'Angleterre est la première à connaître ce que l'on aura coutume d'appeler la Révolution industrielle : sa production industrielle s'accroît fortement. Cette domination s'appuie notamment sur une main-d'œuvre abondante grâce à l'essor démographique, sur la disponibilité des matières premières, fer et charbon, sur ses colonies et sur de nombreuses innovations techniques. Les États-Unis et l'Allemagne rejoignent l'Angleterre dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cette époque voit une forte progression de la production industrielle principalement en Europe et aux États-Unis, qui s'accompagne d'une transition démographique et d'une augmentation de la croissance.

Éthique protestante et l'éthique du capitalisme

Dans « Éthique protestante et l'éthique du capitalisme », Max Weber tente d'expliquer l'avènement du capitalisme par l'importance accordée par certaines « sectes protestantes » au fait de manifester son élection en travaillant et en faisant en sorte que les conduites soient rendues prévisibles. Le processus de rationalisation et de mise en valeur du monde s'accompagne d'un désenchantement de celui-ci, qui n'abrite plus aucune puissance magique et est entièrement voué au calcul.

Dialectique de la raison

Dans « Dialectique de la raison », écrit pendant la seconde Guerre mondiale, Adorno et Horkeimer critiquent ce processus de rationalisation qui s'est retourné contre la Nature et contre les humains. Le progrès et la technologie sont mis en cause.

Principe Responsabilité

Dans « Le Principe Responsabilité » (1979), Hans Jonas pointe la responsabilité de la technique et montre que les humains doivent mettre en place une nouvelle éthique pour empêcher la destruction de nos sociétés et garantir la « permanence de conditions de vie authentiquement humaines sur terre ». Le procès de la science et de la technique mais aussi celui de la Révolution industrielle et des Trente Glorieuses commence.

3. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrages
  • Philippe Descola, Par-delà Nature et culture, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 2005
  • Alexandre Koyré, Du monde clos à l'univers infini, Gallimard, coll. Tel, 1973
  • Dominique Méda, La mystique de la croissance. Comment s'en libérer, Champs-Flammarion, 2014
  • Lynn White, Les racines historiques de notre crise écologique, PUF, 2019

4. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  octobre 2023