Sémantique de l'action

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Cours: Les modes d'action en anthropocène
Livre: Sémantique de l'action
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Date: mardi 23 juillet 2024, 00:30

Description

1. A propos de la séquence

Acquis d'apprentissage

  • Expliquer la signification de l’atténuation et de l’adaptation

  • Comprendre les différences et les synergies entre les deux types d’actions

  • Etre capable d’identifier une action d’atténuation et une action d’adaptation



2. De l'atténuation à l'adaptation

La lutte contre les changements climatiques actuels, conçue dès les années 1990 à travers la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, 1992, Rio de Janeiro, Brésil), puis le protocole de Kyoto (1997, Japon), a prôné des actions d’atténuation et des actions d’adaptation. Les politiques climatiques qui ont ensuite émergé, en particulier au niveau local et au niveau national, ont été construites en agrégeant ces deux catégories d’actions, même si, dans un premier temps, les actions d’atténuation ont été majoritaires et que l’adaptation a été négligée Réf. biblio

Qu’est-ce qu’une action d’atténuation ? Et une action d’adaptation ?


2.1. L’atténuation

Atténuation
L'atténuation, c'est s’attaquer aux causes des changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Les actions d’atténuation (aussi appelée mitigation, son équivalent en anglais) s’attaquent aux causes des changements climatiquesRéf. biblio. L’objectif recherché est la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les territoires. D’après la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, l’atténuation vise à « stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique du système climatique » (article 2). Il s’agit de mettre en œuvre des actions qui vont freiner le réchauffement de la Terre en réduisant le plus rapidement possible les émissions de gaz à effet de serre. Cela revient à amorcer la transition énergétique en vue de changements profonds dans plusieurs domaines :

  • Les énergies : réduire considérablement la part des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz), accroitre significativement la part des énergies renouvelables (le solaire, l’éolien, la géothermie), améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, accroître la sobriété énergétique, etc.) ;
  • L’aménagement du territoire et l’urbanisme : optimiser l’utilisation des terres (pour l’agriculture, la foresterie, l’urbanisation), réduire l’étalement des villes et les mobilités motorisées, transports publics et vélos, mobilités sobres, bâtiments performants ;
  • Les industries : améliorer l’efficacité des systèmes de production, innover pour réduire l’empreinte carbone, efficacité énergétique, recyclage ;
  • Les modes de vie et de consommation : réduire les gaspillages et les pertes, aller vers plus de sobriété ;
  • Les sols, la végétation, les eaux : séquestration du carbone, boisement et reboisement, restauration, gestion durable ;

La finalité des actions d’atténuation est la prévention du problème ; il s’agit d’éviter qu’il s’aggrave. Pour cela, l’Accord de Paris a fixé le seuil de 2°C, voire 1,5°C, à ne pas franchir d’ici 2100. Or le réchauffement est déjà de l’ordre de 1°C Réf. biblio.

2.2. L’ascension de l’adaptation

Adaptation
L'adaptation, c'est s’attaquer aux conséquences des changements climatiques en réduisant la vulnérabilité pour accroitre la résilience.

Les actions d’adaptation s’attaquent aux conséquences des changements climatiques. Elles visent à en réduire les effets préjudiciables. Il s’agit par exemple de mesures d’aménagement ou d’urbanisme ayant pour objectif de réduire la vulnérabilité des territoires pour les ajuster par rapport aux changements climatiques en cours ou envisagés. La réduction de la vulnérabilité a pour effet d’accroitre la résilience, c’est-à-dire la capacité des territoires à subir les conséquences des changements climatiques de manière réversible, en recouvrant ensuite leurs capacités et les potentialités de leur fonctionnement. La réduction de la vulnérabilité et l’accroissement de la résilience ciblent non seulement les territoires, mais aussi les populations exposées aux conséquences des changements climatiques.

Dans les premières politiques climatiques élaborées par les Etats entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, l’adaptation avait été délaissée car jugée plus complexe à mettre en œuvre du fait des difficultés à prévoir les conséquences des changements climatiques et à concevoir et dimensionner de manière anticipative les mesures d’ajustement ou de réaménagement du territoire. Elle est apparue récemment comme une seconde étape, « un supplément d’âme », en complément de l’atténuation considérée comme prioritaire Réf. biblio. Elaborer et mettre en œuvre des actions d’adaptation suppose d’admettre que le réchauffement de la Terre est en cours et qu’il est inéluctable, au moins en partie. Il faut donc vivre avec.

Depuis 2010, à l’issue de la 16ème Conférence des Parties (COP 16) qui a eu lieu à Cancun (Mexique), l’adaptation est inscrite dans l’agenda de la gouvernance de la lutte contre les changements climatiques, les États ayant adopté The Cancun Adaptation Framework (Cadre d’Action de Cancun sur l’Adaptation). L’adaptation est progressivement devenue une préoccupation majeure, bien que son ascension soit récente.

En France, une stratégie nationale d’adaptation a été élaborée en 2006, suivie d’un Plan national d’adaptation élaboré en 2011 et actualisé en 2018.

L’adaptation est envisagée comme une réponse aux changements du climat. D’après le GIEC, l’adaptation est un « ajustement des systèmes naturels ou humains suite à des stimuli climatiques réels ou attendus ou à leurs effets, qui réduit les effets nocifs ou exploite les possibles bénéfices » (GIEC, 2011, cité par Simonet, 2015). Il s’agit de s’attaquer aux conséquences des changements climatiques pour réduire leur ampleur et la vulnérabilité des territoires et des populations.

2.3. Les composantes de l'adaptation

Dans son acception générale, l’adaptation recouvre 3 composantes :

  • l’évaluation de la vulnérabilité,
  • le renforcement des capacités, 
  • l’aménagement ou le ré-aménagement des territoires pour accroître la résilience. 

D’après Gemenne et Magnan Réf. biblio , il s’agit de penser des trajectoires innovantes pour répondre aux changements climatiques, ce qui nécessite des ajustements et des réajustements, un équilibre relatif entre ambitions de développement et contraintes environnementales, dans une logique de développement durable, avec la flexibilité pour prévoir les perturbations futures (capacité d’anticipation) et pour limiter les effets imprévisibles (accroître la résilience).

L’aménagement du territoire et l’urbanisme sont particulièrement concernés par l’adaptation. Il s’agit par exemple :

  • de concevoir des digues et autres infrastructures permettant de faire efficacement face à la hausse du niveau de la mer, 
  • de mieux réguler les flux de chaleur en végétalisant ou en revégétalisant les espaces (création d’îlots de fraicheur ou d’humidité), 
  • d’identifier les zones à risques d’inondations pour les réaménager ou les re-urbaniser en tenant compte des changements climatiques déjà avérés ou projetés. Le recalibrage ou le redimensionnement des infrastructures, ainsi que leur solidification, sont nécessaires. 

La gestion des ressources naturelles est aussi concernée :

  • dans le domaine de la foresterie par exemple, il s’agit, entre autres, d’enrichir les forêts avec des espèces adaptées (tolérantes à la sécheresse ou aux précipitations abondantes suivant les endroits et la distribution géographique des conséquences des changements climatiques) ; il s’agit aussi de développer l’agro-foresterie (associer les cultures vivrières et les arbres). 
  • dans le domaine de l’agriculture, il s’agit de modifier les systèmes de production en privilégiant les espèces adaptées afin d’ajuster les cycles culturaux et les calendriers agricoles pour tenir compte de la disponibilité ou de la raréfaction des ressources en eau. Le boisement ou le reboisement sont des leviers importants car ils accroissent le stockage ou la séquestration du dioxyde de carbone. De manière générale, une meilleure gestion des sols et des couverts végétaux renforce leur effet « puits de carbone » (capacité à absorber et à stocker le carbone). 

Sur le plan socio-économique, l’adaptation suppose des actions visant la réduction de la vulnérabilité des populations : résorption de la pauvreté et des inégalités, accroissement des capacités écologiques, etc.

L’adaptation, in fine, est intrinsèquement articulée d’une part avec la vulnérabilité (la réduire), et d’autre part avec la résilience (l’accroître, la renforcer), dans une perspective spatio-temporelle et multi-échelle. L’anticipation est au cœur de l’adaptation, car cette dernière doit tenir compte des conséquences non seulement actuelles, mais aussi futures, à long terme (2040, 2050, 2100, etc.). Or il est extrêmement difficile non seulement d’évaluer avec précision les conséquences actuelles, mais aussi de prévoir avec exactitude les conséquences futures et leurs retombées sur les sociétés et sur les territoires.

Trois types d’adaptation peuvent être distingués en fonction de l’intensité et de l’ampleur des actions Réf. biblio :

  • les actions d’ajustements ponctuels, consistant généralement en des mesures de réaction face aux impacts des changements climatiques (restrictions de l’utilisation des ressources, relogements, installation de ventilateurs, etc.) ;
  • les actions de transformations incrémentales ou progressives (changements de pratiques agricoles, nouvelles normes de construction, rénovation des bâtiments, évolution du droit de l’environnement et de l’urbanisme, etc.) ;
  • les actions d’adaptation transformationnelle, visant à modifier en profondeur et dans la globalité, de manière à s’attaquer aux causes structurelles de la vulnérabilité des espaces et des populations (réduction de la demande, transformation des systèmes de production, sobriété, réduction des inégalités, transformation de la gouvernance, etc.).

Lorsque des actions d’adaptation ne conduisent pas à la réduction envisagée des vulnérabilités, on parle de maladaptation. D’après le GIEC (2001), la maladaptation est une adaptation qui échoue à réduire la vulnérabilité et qui contribue même à l’accroître. Pour de nombreux experts, c’est « un processus d’adaptation qui résulte directement en un accroissement de la vulnérabilité à la variabilité et au changement climatiques et/ou en une altération des capacités et des opportunités actuelles et futures d’adaptation » Réf. biblio

Le dessalement de l’eau des mers, à l’aide d’une énergie non décarbonée (pétrole) et donc émettrice de gaz à effet de serre, ou l’utilisation des canons à neige consommant beaucoup d’eau, sont des exemples d’actions de maladaptation Réf. biblio. Ces actions aboutissent à des ajustements ponctuels qui maintiennent le statu quo ou aggravent le problème, alors qu’il serait indispensable d’engager des actions visant le changement des pratiques et la réduction de l’utilisation de l’eau.

2.4. Conclusion

L’atténuation et l’adaptation sont les deux principaux types d’actions élaborées et mises en œuvre pour lutter contre les changements climatiques. L’ascension récente des actions relevant de l’adaptation a conduit à privilégier les synergies possibles entre ces deux catégories d’actions. Elles sont de plus en plus envisagées dans une perspective de complémentarité afin d’agir aussi bien sur les causes que sur les impacts des changements climatiques. 

Au-delà de l’atténuation et de l’adaptation, la sémantique de la lutte contre les changements climatiques s’est progressivement enrichie ces dernières décennies avec des actions relevant de la sobriété (réduction de l’empreinte carbone) ou encore de la neutralité carbone. La neutralité carbone signifie un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine et leur retrait de l'atmosphère par l‘Homme ou de son fait. Les émissions de gaz à effet de serre doivent être égales aux quantités absorbées/séquestrées/stockées par la végétation et le sol, ainsi que par des procédés industriels. La différence entre les quantités émises et les quantités absorbées doit être égale à zéro. La neutralité carbone est également désignée par l’expression « zéro émissions nettes » (ZEN) ou encore « zéro net ». Il est de plus en plus préconisé de construire des politiques climatiques allant au-delà de l’atténuation pour prendre en compte les enjeux d’adaptation et de résilience, ainsi que les enjeux de neutralité carbone. 

Cependant, les actions de lutte contre les changements climatiques, qu’il s’agisse de l’atténuation, de l’adaptation ou même de la neutralité carbone, s’avèrent complexes et difficiles à mettre en œuvre, tant au niveau international qu’au niveau national. Les initiatives émergent essentiellement au niveau local Réf. biblio, notamment dans les plans climat-air-énergie déployés dans des territoires en France.

3. Idées d'activités


4. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrages
  • Gemenne, 2021. Géopolitique du climat. Les relations internationales dans un monde en surchauffe. A. Colin, 207 p.
  • Magnan A., 2013. Éviter la maladaptation au changement climatique. Policy Brief, IDDRI, n°08/13 juillet 2013.
  • Reghezza-Zitt M., 2023. L’Anthropocène. Documentation photographique, CNRS Editions.
Articles
Rapport
  • IPCC (GIEC), 2001. Climate change 2001: impacts, adaptation, and vulnerability. In: McCarthy, D., Canziani, O. F., Leary, N. A., Dokken, D. J., White, K. S. (Eds.), Contribution of Working Group II to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press

Vidéo

5. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  décembre 2023