Historique des COP : 30 ans de négociations

Site: Plate-forme d'Enseignement de Nantes Université
Course: Les modes d'action en anthropocène
Book: Historique des COP : 30 ans de négociations
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Date: Tuesday, 23 July 2024, 12:21 AM

Description

1. A propos de la séquence

Acquis d'apprentissage

  • Comprendre ce qu’est la COP climat et son importance dans la mobilisation des États en vue de lutter contre les changements climatiques

  • Comprendre les dimensions politiques, géographiques et géopolitiques des COP et le contexte dans lequel les États se mobilisent pour la coopération internationale pour le climat

  • Comprendre le rôle des organisations de la société civile impliquées dans les COP


2. Les phases de l'historique des COP

La Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adoptée en 1992 pour organiser la participation des États à la lutte internationale contre les changements climatiques. L’alinéa 2 de l’article 4 précise que les pays dits développés (pays figurant dans l’Annexe I, par exemple la France, l’Allemagne, la Hollande) doivent prendre des engagements spécifiques contenant des politiques et des mesures visant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (EGES) pour les ramener à leur niveau de 1990. Ces pays développés sont mis en cause du fait que leur développement, depuis la révolution industrielle, est accusé d’avoir entraîné un accroissement considérable des EGES (« responsabilité historique » des pays développés), même si la CCNUCC évoque les responsabilités « communes » de l’ensemble des pays, en ajoutant qu’elles sont « différenciées » suivant qu’il s’agit des pays développés (responsabilité élevée) ou des pays en développement (responsabilité faible). 

Cette convention est entrée en application dans 190 pays, soit la quasi-totalité des pays du mondeRéf. biblio . Considérée comme un premier pas au niveau international, elle ne fixe pas d’engagements chiffrés à respecter par les États. Ceux qui l’ont ratifiée se réunissent chaque année pour faire le bilan de son fonctionnement et pour définir de nouveaux engagements et de nouveaux mécanismes à mettre en œuvre. Dans le jargon onusien, cette réunion annuelle est désignée par le sigle COP : Conference of the Parties, c’est-à-dire Conférence des Parties, le terme Parties désignant les États.

Au fil des ans, les COP sont devenues des rendez-vous planétaires et des arènes où des chefs d’États et/ou leurs représentants orchestrent la gouvernance internationale de la lutte contre les changements climatiques. Les COP ont produit un important corpus d’accords et de décisions. Disponibles sur les sites Internet officiels de chaque COP, leur lecture permet de rendre compte des faits marquants de l’élaboration et de la mise en œuvre progressive de la gouvernance internationale de la lutte contre les changements climatiques. La mobilisation des États dans le cadre des COP a donné lieu à deux principaux dispositifs :

  • le Protocole de Kyoto (COP 3, Japon, 1997)
  • l’Accord de Paris (COP 21, France, 2015). 

Ils sont le résultat d’âpres débats et négociations entre les États, avec une multitude de coalitions et d’enjeux associés.

Ce cours retrace l’historique des COP et souligne la portée politico-géographique du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris en tant que cadres pour les actions à mettre en œuvre par les États pour lutter contre les changements climatiques dans une perspective internationale. 

2.1. La période pré-Kyoto (1995-2004)

La première COP (COP 1) a eu lieu à Berlin en 1995, année de l’entrée en vigueur de la CCNUCC. Dès cette première COP, la faiblesse de la CCNUCC a été constatée et les États ont admis la nécessité du renforcement des engagements de réduction des EGES des pays développés. Le « Mandat de Berlin » a été adopté pour ouvrir des négociations afin d’aboutir à un Protocole ou un autre instrument juridique pour compléter la CCNUCC en renforçant et en précisant les engagements des pays développés. 

Au cours de la COP 3 en 1997, le Protocole de Kyoto a été adopté. Il est le plus grand instrument international qui a organisé la réduction des EGES par les États jusqu’à ce que l’Accord de Paris ne soit adopté et ratifié. Conformément à la CCNUCC, ce Protocole a chiffré les réductions des EGES pour les pays développés, les pays en développement et les pays émergents étant exonérés. L’année 1990 avait été retenue comme année de référence, les réductions devant être effectuées entre 2008 et 2012, pour aboutir à une réduction globale d’au moins 5%, afin que les EGES en 2012 ne soient pas supérieures à ce qu’elles étaient en 1990. Bien que les réductions chiffrées furent exigées seulement aux pays développés, le Protocole prévoyait qu’elles puissent se dérouler dans les pays en développement et dans les pays à économie en transition, à travers deux mécanismes de flexibilité dénommés Mécanisme pour un Développement Propre (MDP), et Mise en Œuvre Conjointe (MOC).

Jusqu’à la COP 7 à Marrakech en 2001, les négociations ont porté essentiellement sur les modalités d’application du Protocole de Kyoto : vérification du respect des engagements et sanctions éventuelles en cas de non-respect des engagements, modalités de l’utilisation des mécanismes de flexibilité. Particulièrement houleuses, ces négociations ont abouti à une impasse à la COP 6 en 2000 à La Haye, la confrontation étant vive, en particulier entre les États-Unis et l’Union Européenne, à propos des mécanismes de flexibilité, des puits de carbone, du financement des pays en développementRéf. biblio. En l’absence d’accords, cette COP fut suspendue et une COP 6 bis fut organisée en 2001 à Bonn. Au cours de cette COP 6 bis, les États-Unis annoncèrent leur décision de ne pas ratifier le Protocole. Depuis lors, ils ont un statut d’observateur au sein du Protocole, en étant membre de droit de la CCNUCC, puisqu’ils l’ont ratifiée. Ils continuent donc de participer pleinement aux COP.

La lenteur et les difficultés avec lesquelles les États ont ratifié ce Protocole avaient tempéré l’optimisme et suscité des inquiétudes alors que son adoption en 1997 avait été perçue comme un grand pas en avant, un succès diplomatique devant conduire à la résorption du réchauffement de la TerreRéf. biblioRéf. biblio. Il a fallu attendre 2004 pour que, suite à la ratification russe, le quorum soit atteint pour que le Protocole entre en application à partir de 2005. Avec cette entrée en application, le réchauffement de la Terre ne s’est pas pour autant atténué. Il est encore loin de l’être, tant les engagements des États étaient insuffisants, couplés à une absence de perspective à long terme, puisque le Protocole n’avait défini qu’une période d’application, allant de 2008 à 2012.

Tableau recensant les différentes COP et leurs lieux depuis 1995

Source : M. Tsayem Demaze

2.2. La période Kyoto (2005-2019)

Dès la COP 10 à Buenos Aires en 2004, les insuffisances du Protocole ont amené les États à aborder la nécessité d’un Accord multilatéral de plus grande envergure pour la période post 2012. 

La COP 11, à Montréal en 2005, a coïncidé avec l’entrée en vigueur du Protocole. Depuis cette année, la COP a lieu conjointement avec la “Conference of the Parties serving as the meeting of the Parties to the Kyoto Protocol (CMP) » ; c’est la réunion des États qui ont ratifié le Protocole. Au cours de la CMP 1, des négociations ont été ouvertes pour amener les pays développés à prendre des engagements de réduction de leurs EGES pour la période post 2012 (puisque le Protocole n’avait défini qu’une période d’application, de 2008 à 2012). Un groupe de travail fut créé pour organiser et mener les négociations : c’est l’« Ad Hoc Working Group on Further Commitments for Annex I Parties under the Kyoto Protocol (AWG-KP), c’est-à-dire Groupe de Travail Spécial des nouveaux engagements des Parties à l’Annexe 1 au titre du Protocole de Kyoto. Il était attendu que ce groupe de travail mène et finalise des négociations pour permettre qu’une deuxième période d’application du Protocole ait lieu à partir de 2013, sans hiatus avec la première période dont le terme était 2012.

Au cours de la COP 13 et de la CMP 3 en 2007, le Plan d’Action de Bali fut adopté pour que des négociations se déroulent en vue de parvenir à un accord global en 2009, pour une application intégrale, effective et continue de la Convention, au-delà de 2012 et à long terme. Un autre groupe de travail fut créé pour mener ces négociations : c’est l’« Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action under the Convention » (AWG-LCA), c’est à dire Groupe de Travail Spécial sur l’Action Concertée à Long terme au titre de la Convention. Alors que le premier groupe de travail a conduit des négociations pour une période Kyoto 2 concernant seulement les pays développés ayant déjà des engagements de réduction de leurs EGES durant la période 2008-2012, ce deuxième groupe fut créé pour mener des négociations pour que tous les pays qui ont ratifié la Convention s’engagent plus activement dans la coopération à long terme pour lutter contre les changements climatiques, l’objectif étant d’obtenir des engagements chiffrés de réduction des EGES non seulement pour les pays développés, mais aussi pour les pays en développement et surtout pour les pays émergents. 

Cet accord global devait être finalisé et adopté lors de la COP 15 et de la CMP 5 à Copenhague en 2009. Les négociations n’ayant pas abouti, un accord élaboré in extremis par un groupe de pays fut « pris en considération » par cette COP 15/CMP 5. Ses contours juridiques sont flous et les engagements qu’il contient dans ses annexes sont volontaires et manquent de cohérence et d’ambition par rapport à l’ampleur du défi de la lutte contre les changements climatiques (nécessité de limiter le réchauffement de la Terre à un seuil maximum de 2°C, ce qui impliquait, à l’horizon 2020, une réduction de 20 à 40% des EGES des pays développés par rapport à l’année de référence 1990). L’accord de Copenhague peut néanmoins être interprété comme marquant une avancée, dans la mesure où, pour la première fois, des pays en développement, et surtout des pays émergents, ont annoncé des engagements chiffrés de réduction de leurs EGES, alors qu’ils ont toujours été réticents à le faire, invoquant la « responsabilité historique » des pays développés.

La COP 17 et la CMP 7, à Durban en 2011, ont entériné le principe d’une deuxième période d’application du Protocole de Kyoto, à partir de 2013, pour 8 ans. Les modalités opérationnelles ont été définies lors de la COP 18 et de la CMP 8 qui ont eu lieu en décembre 2012 à Doha au Qatar. La Plateforme de Durban, qui est le principal résultat de la COP 17 et de la CMP 7, avait ouvert un nouveau processus de négociations pour un Accord global ambitieux qui entrerait en application en 2020. Un 3ème groupe de travail spécial fut créé pour mener ces négociations : c’est l’ « Ad Hoc Working Group on the Durban Platform for Enhanced Action » (AWG-EA), ou Groupe de Travail Spécial de la Plateforme de Durban pour l’Action Renforcée. Il avait le mandat de mener les négociations pour qu’elles soient finalisées au plus tard en 2015, sous la forme d’un Protocole, d’un autre instrument ou d’un Accord convenu ayant force juridique. Il a été mis fin au mandat des deux précédents groupes spéciaux de négociation. 

Après la COP 19 en novembre 2013 à Varsovie (Pologne), une nouvelle dynamique de négociation a émergé pour aboutir, lors de la COP 21 à Paris en décembre 2015, à l’Accord espéré pour l’après 2020.

2.3. La période de l'Accord de Paris (depuis 2016)

L’Accord de Paris est le deuxième résultat majeur des COP après le Protocole de Kyoto. Depuis son adoption en 2015 puis sa ratification en 2016, il sert de cadre à la remobilisation des États pour lutter contre les changements climatiques à l’horizon 2030. Il a ouvert une nouvelle approche de la gouvernance climatique internationale, avec le remplacement de la démarche top down du Protocole de Kyoto par une démarche bottom up, consistant, pour les États, qu’ils soient développés ou en développement, à élaborer leurs contributions nationales déterminées, feuilles de route indiquant les engagements et les actions à mettre en œuvre pour lutter contre les changements climatiques. Depuis l’entrée en vigueur de cet Accord en 2016, le format des COP comporte trois segments : 

  • les COP elles-mêmes, qui réunissent les États qui ont ratifié la CCNUCC ; 
  • les CMP, qui réunissent les États qui ont ratifié le Protocole de Kyoto ; 
  • les CMA (Conference of the Parties serving as the meeting of the Parties to the Paris Agreement (Conférence des Parties servant de réunion des États qui ont ratifié l’Accord de Paris). 

La première CMA (CMA 1) a eu lieu en 2016 à Marrakech, lors de la COP 22 et de la CMP 12. La CMA 5 a lieu à la fin de l’année 2023, à Dubaï, conjointement avec la COP 28 et la CMP 18.

Recentrée sur les modalités de mise en œuvre de l’Accord de Paris, la gouvernance de la lutte contre les changements climatiques continue néanmoins de prendre en compte les actions initiées dans le cadre du Protocole de Kyoto, par exemple les projets déployés dans le cadre du MDP, grâce auquel des pays développés, par des financements et le transfert de technologies, contribuent à la réduction des EGES dans des pays en développement. En retour, ces pays développés obtiennent des crédits carbone appelés unités de réduction certifiée des émissions (URCE). Il s’agit en réalité d’une délocalisation de la réduction des EGES dans les pays en développement, alors qu’il était attendu que la réduction des EGES se fasse en priorité dans les pays développés. 

Les projets MDP concernent plusieurs domaines, avec une prédominance de projets dans les domaines des énergies renouvelables et dans celui du traitement et de l’élimination des déchets. Les projets acceptés sont localisés essentiellement en Asie et en Amérique du Sud, l’Afrique en abritant à peine 2%Réf. biblio. Les pays émergents (Chine, Inde et Brésil) sont les principaux pays hôtes des projets, tandis que les pays d’Europe de l’Ouest (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, France, Espagne), d’Europe du Nord (Suède, Danemark, Finlande, Norvège), ainsi que le Japon et le Canada, sont les pays développés les plus impliqués dans les projets.

Carte des projets MDP acceptés

Source : M. Tsayem Demaze

2.4. Conclusion

L’inventaire des COP et la synthèse présentée dans ce cours donnent un aperçu de la difficulté de la construction de la gouvernance internationale de la lutte contre les changements climatiques. 

En 30 ans de COP, le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris s’avèrent être les seuls dispositifs qui aient permis dans un cadre international d’amener les États, en particulier les pays développés, à prendre des engagements pour réduire leurs EGES. Tant de COP pour si peu de résultats, ou pour de piètres résultats, participe d’une gouvernance internationale loin de produire les résultats escomptés. Sans reprendre la formule « trop de sommets tue les sommets » dans cette « ère de la réunionite »Réf. biblio, on observe que les COP continuent de jouer le rôle d’arène principale pour essayer de structurer davantage et de renforcer la gouvernance internationale de la lutte contre les changements climatiques. L’ampleur de la tâche est immense, compte tenu des difficultés d’obtenir par consensus des traités internationaux ambitieux qui tiennent compte des intérêts des États et des coalitions d’États. La souveraineté de chaque État apparaît comme un obstacle face à la nécessité de mener des actions et de mettre en œuvre des politiques internationales pour atténuer le changement climatique, problème global non circonscrit dans les limites géographiques des États. 

Par ailleurs, le poids politique et économique des pays émergents devient de plus en plus important, contribuant à modifier les rapports de forceRéf. biblioRéf. biblioRéf. biblio. Parallèlement, les divergences apparaissent dans les positions défendues par les pays développés, dont le poids politique et géopolitique s’affaiblit. Des divergences apparaissent aussi au sein des pays en développement, dont certains dénoncent l’attitude des pays émergents. Ainsi, à Cancun et à Durban, de nombreux pays en développement ont critiqué l’Inde, lui reprochant d’entraver le consensus. Ces divergences ont conduit à l’assouplissement du principe des responsabilités communes mais différenciées, estompant quelque peu le clivage entre pays développés et pays en développement.

3. Idées d'activités


4. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrages
  • Aykut S., Dahan A., 2015. Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales. Presses de Sciences Po, 752 p.
  • Bourban M., 2018. Penser la justice climatique, Paris, Presses universitaires de France.
  • Delannoy S., 2012. Géopolitique des pays émergents. Ils changent le monde. PUF, 178 p.
  • Gemenne, 2021. Géopolitique du climat. Les relations internationales dans un monde en surchauffe. A. Colin, 207 p.
  • Kateb A., 2011. Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRIC changent le monde. Ellipses, 267 p.
  • Laigle, L., Moreau, S., 2018. Justice et environnement: les citoyens interpellent le politique. Paris, Infolio éditions.

Articles

Pour aller plus loin...


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5. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  décembre 2023