Géographie et géopolitique des COP

Site: Plate-forme d'Enseignement de Nantes Université
Cours: Les modes d'action en anthropocène
Livre: Géographie et géopolitique des COP
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: mardi 23 juillet 2024, 00:33

Description

1. A propos de la séquence

Acquis d'apprentissage

  • Comprendre ce qu’est la COP climat et son importance dans la mobilisation des Etats en vue de lutter contre les changements climatiques
  • Comprendre les dimensions géographiques et géopolitiques des COP et le contexte dans lequel les Etats se mobilisent pour la coopération internationale pour le climat
  • Comprendre le rôle des organisations de la société civile impliquées dans les COP

2. Géographie des COP

En 30 ans, 28 COP, 18 CMP et 5 CMA ont été organisés. En raison principalement du respect du principe de rotation géographique (chaque continent ou région à son tour) très utilisé dans le cadre des Nations unies, on observe une diversité de pays hôtes de ces conférences et réunions.

Tableau des COP organisées depuis 1995

M. Tsayem Demaze

Cependant, ce principe est relativisé par le fait que les candidatures pour l’organisation des COP sont spontanées et que les coûts de l’organisation sont souvent à la charge des pays hôtes, ce qui peut dissuader des pays pauvres d’autant que leurs moyens logistiques et leurs capacités d’organisation et d’accueil peuvent être limités. C’est le cas des Iles Fidji, qui avaient obtenu l’organisation de la COP 23 et avaient trouvé un arrangement pour que l’Allemagne l’accueille, certes sous la présidence des Iles Fidji. Une telle situation s’est produite en 2019 : l’Espagne a été hôte de la COP 25 qui aurait dû avoir lieu au Chili. En 2020, en raison de la crise sanitaire engendrée par la pandémie à coronavirus, la COP n’a pas eu lieu. Un dialogue en distanciel, via internet, a été organisé par la CNUCC.

L’Europe de l’Ouest a accueilli une grande quantité de COP, ce qui illustre sa forte présence dans ces arènes, en cohérence avec sa forte implication dans l’élaboration du Protocole de Kyoto, dont l’Union Européenne est le « poids lourd »Réf. biblio. L’Allemagne a déjà été hôte de 4 COP. Le secrétariat de la CCNUCC est situé à Bonn (décision de la COP 1). 

Le fait d’être candidat à l’organisation d’une COP peut être interprété comme significatif du souhait de peser sur la gouvernance internationale de la lutte contre les changements climatiques. L’organisation d’une COP par un pays illustre en quelque sorte l’importance de sa « diplomatie climatique ». L’échec ou le succès de certaines COP était imputable aux stratégies de négociations déployées par les pays hôtes. Ainsi, l’Accord de Copenhague (2009), largement considéré comme un échec, est révélateur des stratégies diplomatiques adoptées par la présidente danoise de cette COP (Connie Hedegaard, devenue commissaire européenne à l’action pour le climat de 2010 à 2014), stratégies ayant provoqué l’ire et les protestations des pays en développement et des pays émergentsRéf. biblio. Quant aux succès relatif ou in extremis des COP de Cancun et de Durban, ils illustrent les qualités de négociatrice de la présidente mexicaine de la COP de Cancun (Patricia Espinoza, qui a eu droit à une « standing ovation »), et de la présidente sud-africaine de la COP de Durban (Maite Nkoana-Mashabane), qui a utilisé « l’indaba », sorte de négociations informelles (arbre à palabres) pour trouver des consensusRéf. biblioRéf. biblio

Quelques soient les qualités de la « diplomatie climatique » du pays hôte, une COP peut néanmoins ne pas produire les accords escomptés si les positions des pays emblématiques, comme les États-Unis (lors de la COP 6) ou la Chine (lors de récentes COP), sont inflexiblesRéf. biblioRéf. biblio.

Carte des différents lieux de tenue des conférences et meetings entre 1995 et 2023

Source : M. Tsayem Demaze

2.1. Portée politico-géographique du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris

En tant que dispositif politique, le Protocole de Kyoto a organisé la lutte contre les changements climatiques sur la base du principe des responsabilités communes mais différenciées des États. Conformément à ce principe, seuls les pays développés et les pays alors en transition vers l’économie de marché (pays listés dans l’annexe B du protocole) ont été désignés pour limiter ou pour réduire leurs EGES. Il s’agit des pays listés dans l’annexe 1 de la CCNUCC. Avec l’objectif de réduire de 5,2% les EGES dans le monde à l’horizon 2012 en référence à l’année 1990, le Protocole était très peu ambitieux. Cette faible ambition est le reflet de la réticence des États à s’engager dans la lutte contre les changements climatiques durant les années 1990. 

Ce Protocole est le résultat d’un compromis politique qui tenait compte de plusieurs facteurs : 

  • les réserves et le scepticisme de certains États (notamment les États-Unis), 
  • la volonté exprimée par d’autres États, notamment ceux de l’Union Européenne, compte tenu des capacités respectives des uns et des autres, 
  • les arbitrages entre le développement économique (source d’EGES) et les préoccupations relatives au réchauffement climatique. 

Pour Gemenne (2021), ce protocole, traité « expérimental », était un « signal », une « impulsion » devant conduire à des engagements futurs plus ambitieux. Le contexte largement climato-sceptique des années 1990 et du début des années 2000 n’a pas favorisé le rehaussement des engagements des États, ce qui a conduit à l’inefficacité du Protocole, les réductions des EGES n’ayant pas été significatives. Des États se sont retirés du Protocole dès 2011 (Canada, puis Japon, Nouvelle Zélande, et Russie), refusant de s’engager pour la deuxième période (2012-2020) actée lors de la COP 18 et de la CMP 8 à Doha en 2012.

Sur le plan géographique, le Protocole de Kyoto a articulé la lutte contre les changements climatiques sur les mécanismes de flexibilité :

  • les échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre entre les pays développés (transactions ou marchés carbone),
  • le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP), qui a conduit à la délocalisation de la réduction des EGES dans les pays en développement, limitant ainsi leur réduction dans les pays développés, pourtant considérés comme les plus responsables,
  • la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), permettant aux pays de l’annexe B (pays développés) de coopérer entre eux pour réduire les EGES, par exemple avec des projets associant les pays de l’ex bloc de l’Est aux pays de l’ex bloc de l’Ouest.

En se déployant au travers de ces mécanismes de flexibilité, le Protocole a réactivé la bipolarisation ou le clivage Nord Sud dans le domaine de l’environnement (Tsayem, 2013). Les liens tissés par exemple entre la France et les pays en développement, pour réduire les EGES, sont représentés dans la figure ci-dessous.

Carte montrant les liens de la France avec les pays émergents dans le cadre des projets MDP

Source : M. Tsayem Demaze

2.2. Critique du protocole de Kyoto

Une critique majeure qu’on peut faire a posteriori à l’égard du Protocole de Kyoto est l’exonération à réduire leurs émissions de GES des pays en développement, et en particulier les pays émergents, dont la Chine, l’Inde et le Brésil. N’étant pas tenu de réduire ses EGES dans le cadre du Protocole, la Chine est rapidement devenue premier pays émetteur de GES depuis 2007, devenue la 1ère industrie du monde. Le Protocole n’avait pas anticipé l’émergence économique de ces pays, ainsi que la baisse du poids des États, au bénéfice des multinationales, dans la gouvernance économique et commerciale mondiale. Il n’a pas anticipé et pris en compte les alternatives et les propositions venant de la société civile, qui reconfigurent la lutte contre les changements climatiques, en portant la problématique de la justice climatiqueRéf. biblio.

Compte tenu de l’inefficacité de l’approche top down du Protocole de Kyoto, consistant en l’attribution, aux pays développés et aux pays à économie en transition, des quotas d’EGES ou des engagements chiffrés de réduction des EGES, l’Accord de Paris a adopté une autre approche, qualifiée de bottom-up : les contributions nationales. Il est demandé à chaque pays, qu’il soit développé, en développement ou émergent, de déterminer lui-même ses engagements et sa feuille de route pour lutter contre les changements climatiques, l’enjeu global et l’objectif politique général étant de contenir l’augmentation de la température moyenne de la Terre en deçà de 2°C, voire 1,5°C d’ici 2100, par rapport à la période préindustrielle. 

C’est donc à partir de l’agrégation des contributions nationales, volontaires et non contraignantes, que l’Accord est bâti et la lutte contre les changements climatiques rebâtie au niveau international. Le principe des responsabilités communes mais différenciées est, de manière sous-jacente, remplacé par le principe des capacités respectives des États. Adopté en 2015 pour être appliqué à partir de 2020, l’Accord a été rapidement ratifié par la quasi-totalité des États et est entré en vigueur dès 2016. Il est considéré comme étant un accord-cadre universel, reflet du contexte actuel caractérisé par le quasi effondrement du climato-scepticisme. Malgré le retrait des États-Unis durant le mandat du président Trump entre 2017 et 2021, ainsi que les critiques exprimées par l’ex président du Brésil, Jair Bolsonaro, tous les États veulent montrer qu’ils sont soucieux des changements climatiques et qu’ils s’y attaquent. Mis en œuvre en impliquant en principe tous les pays, l’Accord va au-delà de l'atténuation (réduction des EGES) pour envisager l’adaptation, la vulnérabilité, la résilience, la transition énergétique et le développement sobre ou bas carbone. Mais les actions à mettre en œuvre restent imprécises.

Bien que géographiquement plus élargi que le Protocole de Kyoto, l’Accord de Paris ne parait pas pour autant ambitieux et susceptible de s’attaquer efficacement aux changements climatiques, au regard de la portée des contributions nationales agrégées. Si les engagements pris par les États et si les actions qu’ils envisagent dans ces contributions sont effectivement mises en œuvre, l’augmentation de la température moyenne de la Terre serait néanmoins de l’ordre de 3,5°C à l’horizon 2100, largement au-dessus de l’objectif de 1,5°CRéf. biblio. Comme le Protocole de Kyoto, l’Accord n’a pas pris en compte le complexe ou la complexité de la gouvernance du monde, avec le rôle de plus en plus prépondérant des multinationales, et les turbulences économiques et commerciales internationales. D’après Aykut et Dahan (2015), il y a un schisme entre l’Accord et les réalités du monde, car l’Accord met les désaccords sous le tapis et n’esquisse pas de solutions concrètes pour sortir des énergies fossiles.

2.3. Géopolitique des COP

Instituées comme principal cadre-lieu-théâtre de l’orchestration et de la structuration de la lutte contre les changements climatiques, les COP constituent une arène où les États, à travers leurs représentants, débattent, se concertent et négocient les arrangements et les accords internationaux en vue d’atténuer les changements climatiques ou de s’adapter à leurs conséquences. 

Au fil des ans, la structuration des COP en tant qu’arène s’est étoffée et s’est alourdie avec une multitude de coalitions d’États défendant des intérêts variés. Conformément à la CNUCC, la trame initiale demeure bipolaire, avec le clivage entre le groupe des pays de l’annexe 1 et le reste des pays (pays non annexe 1). Lors des dernières COP, 14 coalitions ont été enregistrées et ont pris part aux négociations. 

Tableau des différentes coalitions dans les COP

Source : M. Tsayem-Demaze


La plupart de ces coalitions sont constituées d’États du Sud (Afrique, Amérique du Sud, Asie) : 

  • groupe africain
  • Alliance Bolivarienne des Amériques
  • Groupe des pays en développement partageant les mêmes idées
  • etc. 

Pour faire entendre leurs positionnements et leurs spécificités, les pays en développement ont multiplié les coalitions hétérogènes qui portent leurs voix au sein des COP. 

Plusieurs États sont membres de plusieurs coalitions, suivant les enjeux et les intérêts par rapport aux changements climatiques et aux niveaux de développement économique et social : 

  • Petits États Insulaires en Développement (très attentifs à la problématique de la hausse du niveau de la Mer et aux financements nécessaires), 
  • Pays de forêt tropicale humide (très attentifs à la problématique de la lutte contre la déforestation et aux financements nécessaires), 
  • Pays les Moins Développés
  • BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine), 
  • Pays Arabes
  • etc. 

Des États qui sont généralement peu prompts à prendre des engagements conséquents sont membres du groupe parapluie (États-Unis, Australie, Canada, Nouvelle Zélande, etc.). 

Quelques États qui ont voulu se démarquer et garder une position neutre sont membres du groupe pour l’intégrité environnementale (Suisse, Corée du Sud, Mexique, etc.). 

L’Union européenne participe aux négociations en tant que groupe à part entière, même si chaque État membre participe parallèlement aux négociations en tant que Partie à la CNUCC.

Carte des différentes coalitions et des pays en faisant partie

Source : M. Tsayem-Demaze

3. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrages
  • Aykut S., Dahan A., 2015. Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales. Presses de Sciences Po, 752 p.
  • Gemenne, 2021. Géopolitique du climat. Les relations internationales dans un monde en surchauffe. A. Colin, 207 p.
Articles
Rapports
  • Dahan A., Armatte M., Buffet C., Viard-Crétat A., 2012.  Plateforme de Durban : quelle crédibilité accorder encore au processus des négociations climatiques ? Rapport de recherche, Centre A. Koyé, Koyré climate series, n° 4, 34 p.
  • Dahan A., Aykut S., Buffet C., Viard-Cretat A., 2010. Les leçons politiques de Copenhague. Faut-il repenser le régime climatique ? Rapport de recherche, Centre A. Koyé, Koyré Climate Series, n° 2.
  • Maljean-Dubois S., Wemaere M. (sous la direction de), 2012. Les négociations internationales du post-2012. Une lecture juridique des enjeux fondamentaux. Rapport de recherche, 182 p.

Pour aller plus loin...


Vidéos

4. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  décembre 2023