Neutralité, impartialité, objectivité : quelle posture possible pour l’enseignant ?

Site: Plate-forme d'Enseignement de Nantes Université
Cours: Eduquer pour former à/en/par l'anthropocène
Livre: Neutralité, impartialité, objectivité : quelle posture possible pour l’enseignant ?
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: mercredi 3 juillet 2024, 15:19

Description

1. A propos de cette séquence

Acquis d'apprentissage

  • Prendre conscience que les situations scolaires neutralisent artificiellement les controverses
  • Se rendre compte que les objectifs de neutralité, impartialité et objectivité sont des idéaux
  • Comprendre que l’enjeu dans la situation pédagogique est l’installation de distances critiques

2. Neutralité, impartialité, objectivité : quelle est la difficulté ?

A l’opposé de l’impression de consensus que peut donner la représentation des 17 Objectifs de développement durable, les situations de décision en la matière sont controversées : nucléaire, OGM, pesticides, retraites etc.

La situation d’enseignement se présente généralement comme transmissive : le professeur dispose des connaissances, que l’apprenant doit assimiler. L’enseignement doit être « neutre », « impartial » et « objectif ». Le professeur ne doit pas « prendre parti ». Mais comment aborder les questions controversées ? Comment être « neutre, impartial et objectif » en matière de pesticides, OGM, nucléaire ou régime des retraites ? Mettre le doigt dans la controverse ne revient-il pas à ouvrir la porte à la polémique ?  A « faire de la politique » ?

2.1. Des idéaux difficiles à atteindre

Sortir de la difficulté passe par reconnaître qu’être «neutre, impartial et objectif» sont des conditions idéales, peu remplies dans la réalité.

  • La neutralité désigne l’absence totale d’interférence avec le problème abordé. Parler des OGM, ne pas en parler, choisir ses arguments etc. rien de tout cela n’est très neutre en réalité.
  • L’impartialité consiste à donner la parole à toutes les parties impliquées, syndicats, gouvernement ou encore ONG. Là encore la perfection est difficile à atteindre.
  • L’objectivité renvoie à une connaissance sûre et certaine. Mais bon nombre de paramètres d’une controverse (volatilité, incertitude, ambiguïté, etc.) rendent cet objectif impossible à atteindre.

Atteindre l’objectivité, l’impartialité et la neutralité réclamerait finalement un travail de plusieurs semaines voire de plusieurs mois.

2.2. Comment faire ?

La solution consiste à modérer l’exigence avec laquelle le professeur met en œuvre ces idéaux. Parler de «distance critique» peut aider. L’enjeu de la conception pédagogique est alors de mettre en place un ensemble de distances critiques:

  • des apprenants ou enseignants par rapport à la controverse étudiée
  • des enseignants par rapport aux étudiants et vice-versa
  • de la classe par rapport à la controverse réelle en société, ou à l’établissement dans lequel le sujet est abordé.

Les deux compétences sollicitées sont le décentrement, mais aussi le leadership du professeur dans sa classe.

2.3. En pratique : pas de posture idéale


La Brown University propose quatre postures, avec leurs forces et leurs faiblesses, ce qui permet de problématiser et aussi de montrer qu’aucune position ne répond à toutes les difficultés.


Neutralité procédurale

On s'en tient à faciliter le débat.

Forces

  • Minimise l'influence indue des préjugés de l'enseignant·e
  • Donne à chacun la possibilité de prendre part à une discussion libre
  • Permet une discussion ouverte, c'est-à-dire se pencher sur des problèmes auxquels l'enseignant·e n'a pas pensé
  • Offre une occasion aux élèves d'exercer leurs compétences en matière de communication
  • Fonctionne bien si l’on dispose de beaucoup de matériel de base

Faiblesses

  • Les apprenants peuvent trouver cela artificiel
  • Peut nuire au rapport entre l'enseignant·e et la classe si elle ne fonctionne pas
  • Suppose que les apprenant·e·s soient déjà familiarisé·e·s avec cette méthode, sinon prend beaucoup de temps
  • Peut ne faire que renforcer les attitudes et préjugés existants des apprenant·e·s
  • Très difficile avec les apprenant·e·s les moins à l’aise
  • N’est que partiellement compatible avec le rôle d’un enseignant·e, puisque sans transmission de connaissances

Engagement déclaré

On exprime à chaque fois son opinion.

Forces

  • Les apprenant·e·s essaieront de toute façon de deviner ce que pense l'enseignant·e, donc cela clarifie la situation
  • Il est préférable d'exprimer ses préférences après la discussion plutôt qu'avant
  • Elle ne doit être utilisée que si les opinions divergentes des élèves sont traitées avec respect
  • Peut aider à maintenir la crédibilité de l’enseignant·e auprès des apprenant·e·s, car ils et elles ne s'attendent pas à ce les enseignant·e·s soient neutres

Faiblesses

  • Peut étouffer la discussion en classe, empêchant les apprenant·e·s de défendre une ligne contraire à celle de l’enseignant·e
  • Peut encourager certain·e·s apprenant·e·s à défendre avec force une cause à laquelle ils ou elles ne croient pas, simplement parce qu'elle est différente de celle de l'enseignant·e
  • Les apprenant·e·s ont souvent du mal à distinguer les faits des valeurs. C'est encore plus difficile si le pourvoyeur ou la pourvoyeuse de faits et de valeurs est la même personne, à savoir l'enseignant·e

Approche équilibrée

On expose une grande diversité de perspectives.

Forces

  • Montre que les questions ne sont jamais noires ou blanches
  • Nécessaire lorsque la classe est polarisée sur une question
  • Plus utile lorsqu'il s'agit de questions sur lesquelles il y a beaucoup d'informations contradictoires
  • Veiller à ce qu’un éventail équilibré d'opinions se dégage du groupe ou des documents

Faiblesses

  • Existe-t-il vraiment quelque chose comme un éventail équilibré d'opinions ?
  • Laisse de côté le nœud principal de la discussion et donne l'impression que la "vérité" est une zone grise entre deux séries d'opinions différentes
  • L'équilibre a des significations très différentes selon les personnes
  • Peut conduire à des cours très dirigés par l'enseignant·e. L’équilibre implique des choix et une activité d’équilibrage

L'avocat du diable

On défend systématiquement une position opposée à celle qui est exprimée.

Forces

  • Très amusant, il peut être très efficace pour inciter les apprenant·e·s à contribuer à la discussion
  • Indispensable face à un groupe qui semble partager la même opinion
  • Un dispositif utile pour animer la discussion lorsque celle-ci commence à s'essouffler

Faiblesses

  • Les apprenant·e·s peuvent identifier l'enseignant·e qui défend les points de vue avancés comme l'avocat du diable ; les parents expriment leur inquiétude quant aux prétendus points de vue, etc.
  • Elle peut renforcer les préjugés des apprenant·e·s
  • A n'utiliser que lorsque la discussion s'essouffle et qu'il reste 25 minutes

3. Mise en pratique

Jeu de rôle

  • En sélectionnant un sujet, essayer les quatre postures avec des collègues

4. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrages
Articles

Pour aller plus loin...

Ouvrages
  • Stéphanie Gravel, Impartialité, objectivité et neutralité ? Étude de pratiques enseignantes en Éthique et culture religieuse au Québec, Thèse en sciences des religions, Université de Montréal, 2016.

5. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  octobre 2023