2. Qu'est-ce qu'un cycle bio-géochimique ?

2.2. Les activités humaines : le grain de sable dans les rouages des cycles biogéochimiques

… Avant que les activités humaines ne mettent leur grain de sable dans les rouages bien huilés du cycle du carbone. 

Depuis le début de l’ère industrielle (~1750), l’exploitation des mines de charbon puis des gisements de pétrole a certes permis de formidables progrès technologiques mais a aussi induit le déstockage massif et ultra-rapide (2 siècles) de carbone fossile qui était enfoui dans le sous-sol depuis des centaines de millions d’années. La combustion de ces énergies a libéré du CO2, année après année, dont on estime le flux à 10 Gt de carbone en 2022 (Friedlingstein et al, 2022). Accompagnant l’explosion démographique et les besoins de terres agricoles, la déforestation est également responsable du déstockage annuel de 1,2 Gt de carbone. C’est donc un flux annuel de 11,2 Gt de carbone anthropique vers l’atmosphère qui modifie profondément les équilibres du cycle du carbone.

Evolution des flux anthropiques annuels de carbone liés aux activités humaines, en Gt/an

D'après Friedlingstein et al., 2022

Entre les émissions annuelles de CO2 (11,2 GtC/an) et l’augmentation annuelle du CO2 dans l’atmosphère (5,3 GtC/an) mesurée en différents laboratoires du globe dont le premier fut Mauna Loa à Hawaï, il existe une différence significative, comme le montre la figure ci-dessus. Où passe plus de la moitié du CO2 émis annuellement ? En plus de leurs échanges naturels avec l’atmosphère, la biosphère continentale pompe 3,4 GtC et l’océan 2,9 GtC supplémentaires chaque année ce qui fait de ces deux compartiments les puits à carbone du globe terrestre.

Schéma du cycle carbone perturbé par les activités anthropiques

Modifié d’après : “Les défis environnementaux du XXIe siècle, Ivar Ekeland et Aïcha Ben Dhia, avec le soutien de l’Université Paris-Dauphine, la Fondation Madeleine et la société 2050” et Figure 5.12 in IPCC, 2021: Chapter 5. In: Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change

Ainsi, la perturbation du cycle du carbone est telle que la quantité de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de ~280 GtC depuis le début de l’ère industrielle en plus des 750 GtC qu’elle contenait au départ et le C stocké dans les océans de 155 GtC (sur 38 000 GtC initiaux). La perturbation d’un compartiment d’un cycle biogéochimique a des conséquences sur l’ensemble des compartiments. Ces perturbations ne se limitent pas à une simple augmentation de taille des compartiments mais elle modifie également leur composition chimique et les équilibres qui le régissent. Par exemple, l’augmentation du flux de CO2 de l’atmosphère vers les océans se traduit par une diminution du pH des eaux océaniques qui a déjà baissé d’un dixième de point (de 8,15 à 8,05) et pourrait chuter d’un demi-point d’ici 2100 pour le scénario le plus pessimiste (SSP5-8.5). Ceci aura des conséquences sur la biosphère marine dont le développement sera limité par la difficulté des organismes à produire leurs coquilles et leurs squelettes calcaires.