2. Histoire de la composition de l'atmosphère

2.6. Les enseignements du passé au service de l’anticipation du futur

Les données dont nous disposons aujourd’hui décrivent une histoire de l’atmosphère et des climats assez fiable dans ses grandes lignes. On peut considérer comme un fait désormais bien établi que la composition de l’atmosphère et les climats qui en découlent ont varié considérablement au cours des temps géologiques. Parmi les grands repères aujourd’hui bien documentés, on peut citer l’histoire de l’oxygénation de l’atmosphère primitive décrite dans les paragraphes précédents, mais aussi :

  • Au moins 5 grands épisodes de refroidissement correspondant à un amoindrissement des teneurs de l’atmosphère en gaz à effet de serre : 
    • entre 2,5 et 2,2 milliards d’années, 
    • entre -850 et -600 millions d’années (épisode particulièrement intense qui a pu voir un englacement total jusqu’à l’équateur à l’origine du concept de « Terre boule de neige »), 
    • puis à -450 millions d’années, 
    • -300 millions d’années 
    • et enfin depuis les 34 derniers millions d’années (la présence actuelle de glaces aux pôles nous rappelle que nous sommes dans une période interglaciaire de la grande glaciation en cours !).
  • Des périodes chaudes, les plus récentes étant marquées par le développement accru d’environnements récifaux il y a 540 millions d’années, puis vers -380 Ma et surtout durant le très long intervalle compris entre -250 et -35 Ma.

Cette histoire grossièrement résumée ici est en réalité suffisamment documentée pour servir de base à l’évaluation des fameux « modèles mathématiques ». Ces modèles auxquels on confie l’élaboration des scénarios climatiques futurs doivent d’abord être capable de reproduire les évolutions constatées dans le passé géologique avant d’être mis en œuvre. Si ce n’était pas le cas, quelle confiance pourrait-on accorder à leurs prévisions ? L’observation détaillée du passé est donc indispensable à l’amélioration des modélisations.

Un autre enjeu est aujourd’hui de comprendre les causes des variations observées au cours de l’histoire de la Terre. Pour y parvenir, on peut s’appuyer sur l’observation de coïncidences entre des périodes de refroidissement et de grands évènements géologiques ou biologiques. Ces évènements ont en commun d’aboutir à une forte consommation de CO2 : ce sont les végétaux qui deviennent abondants au Carbonifère et finissent par provoquer la formation d’énormes gisements de charbon (dans lequel le carbone se trouve piégé) ou bien les chaînes de montagne dont les roches subissent une altération qui a pour effet de consommer le CO2 en grandes quantités. Les grands épisodes de glaciations cités précédemment coïncident tous avec l’altération de grandes chaînes montagneuses : 

  • chaîne calédonienne pour l’Ordovicien, 
  • chaîne hercynienne pour le Carbonifère-Permien
  • chaîne alpine (au sens large, Himalaya compris) pour la glaciation actuelle. 

On notera que la glaciation carbonifère cumule les deux causes (chaîne hercynienne et développement des végétaux), ce qui peut constituer une explication pour son intensité et sa durée.

A l’inverse, les périodes chaudes sont des périodes au cours desquelles ces pompes à CO2 sont absentes ou moins efficaces et ne compensent pas le rejet continu de CO2 dans l’atmosphère, conséquence de l’activité volcanique permanente de notre planète.

Cette observation importante n’explique pas l’intégralité des variations car d’autres paramètres que nous n’avons pas le temps de décrire ici entrent également en ligne de compte. Ce qu’on peut toutefois en retenir à ce stade, c’est que l’atmosphère terrestre fonctionne un peu à la manière d’un système thermostaté. La régulation de la quantité de gaz à effet de serre par différents phénomènes empêche l’installation définitive d’un climat froid ou d’un climat torride et a ainsi permis le maintien de la vie sur Terre. La lenteur des phénomènes qui entrent en jeu rend également ces évolutions assez progressives (sauf lors de certaines crises biologiques).

Cette progressivité nous ramène de nouveau à la question de la vitesse des changements actuels… Les climato-sceptiques aiment à souligner que le climat a été plus chaud par le passé. C’est absolument vrai ! Mais ils oublient de pousser la comparaison jusqu’aux vitesses des changements. Jamais des changements dans la composition de l’atmosphère et les perturbations climatiques qui les accompagnent ne se sont produits à des vitesses telles que celles que nous observons actuellement. Des changements majeurs qui se déroulaient sur des centaines de milliers, voire des millions d’années dans l’histoire de la Terre sont actuellement mesurés sur des durées comprises entre décennies et siècles.

Face à cette évolution préoccupante, la réaction de l’humanité tarde à s’organiser. Cela tient bien entendu à un fort conservatisme au service de la protection d’intérêts divers, mais cela tient aussi au fait qu’il nous est plus facile de concevoir des changements à court terme (la météo de notre quotidien) que de nous projeter dans le temps long des mécanismes du climat. C’est pourtant une tendance contre laquelle il va falloir lutter si l’on veut agir efficacement, sur le long terme, pour limiter les effets des changements en cours et ceux qui sont encore à venir.