2. Au cœur de notre vie quotidienne

2.1. État des lieux des comptabilités

Historiquement, la logique de la comptabilité s’inscrit dans une logique de prudence, fondée sur la volonté de pérenniser l’entreprise, notamment pour la transmettre à ses descendants. A ce titre, il s’agit de faire preuve de responsabilité en gérant bien l’argent apporté (comment le dépense-t-on pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise) et en assurant la capacité de l’entreprise à rembourser ses dettes (notamment l’argent prêté par l’entrepreneur-propriétaire). Le focus est donc sur l’entreprise, en tant que projet collectif à préserver, et le gestionnaire.

A contrario, et depuis les années 1960, la vision néo-classique de l’économie, qui s’est imposée dans la majeure partie des pays dits développés, apporte une toute autre approche de la comptabilité. Il s’agit de maximiser la valeur de l’entreprise pour le bénéfice de ses actionnaires. Dans cette perspective, le gestionnaire de l’entreprise doit leur rendre des comptes pour justifier des actions allant dans ce sens. Les ressources utilisées par l’entreprise ne sont donc pas à préserver en tant que telles (pour en assurer la pérennité) mais doivent être sources d’augmentation (de maximisation même) du bénéfice et de la valeur de l’entreprise. En conséquence et dans cette perspective, l’usage des ressources (humaines, naturelles, métaux, énergie, …) peut se faire sans préservation des milieux naturels qui les fournissent. C’est ce qu’on appelle la soutenabilité faible : un gain purement financier peut compenser/justifier une dégradation environnementale, même définitive, ou humaine.

Il n’est d’ailleurs pas neutre que l’accélération des dégradations socio-environnementales (réchauffement climatique, érosion de la biodiversité, inégalités sociales, …) des cinquante dernières années soit concomitante avec la montée en puissance de la vision néo-classique de l’économie puisque son objectif n’est pas de préserver mais de maximiser.