Progrès des sciences et techniques, développement de l'économie et augmentation de la production
2. La raison et le progrès
2.2. L'invention de l'économie, l'oubli de la Nature
Deux faits majeurs constituent les ferments du bouleversement majeur dont le XVIIIe siècle est le théâtre.
- D'une part, l'enrichissement individuel et le luxe sont légitimés (par exemple dans la fameuse Fable de Mandeville, voir ci-dessous)
- D'autre part, un nouveau domaine de réalité émerge, répondant à des lois spécifiques : l'économie.
Avec les "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des Nations" d'Adam Smith, publie en 1776, nait à la fois un nouveau domaine et une nouvelle discipline spécialiste des lois qui le régissent : l'économie.
Si à ses débuts, l'économie s'intéresse à la Nature et aux lois naturelles – c'est encore le cas chez Smith, Ricardo et Malthus à la suite des Physiocrates qui avaient mis la Nature au centre de leurs représentations et voyaient dans les efforts déployés par les humains contre cette nature résistante l'origine de la valeur des biens - , cela ne va plus être le cas de l'économie néo-classique. Jean-Baptiste Say exclut donc les « richesses naturelles » de la sphère de l'économie politique « par la raison qu'elles ne peuvent être ni produites, ni distribuées, ni consommées ». Les néo-classiques voient bien dans la terre un facteur de production mais non limitant : la production nécessite une habile combinaison de travail, de terre et de capital, qui sont désormais substituables (on peut remplacer des quantités de l'un par des quantités de l'autre et obtenir la même production). La terre n'est plus un facteur matériel résistant, une force de rappel, une matière qui s'oppose : la finitude a disparu. Il n'y a plus dans cette représentation une extériorité susceptible de subir des modifications.
Les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences économiques.
— Say
Les ressources naturelles susceptibles de faire l'objet d'un échange voient en revanche leur utilisation réglée par le prix. L'économie dominante s'est peu à peu détachée de la réalité, elle s'est désencastrée des lois qui régissent les phénomènes naturels, et s'est en quelque sorte peu à peu autonomisée.