2. L'anthropocène : le procès de l'humanité

2.1. Capitalocène et plantationocène

L'usage du terme "anthropocène" peut sembler accuser l'humanité tout entière d'être responsable de la dégradation que nous constatons. Un certain nombre d'auteurs ne sont pas d'accord avec l'idée de responsabilité de l'humanité entière et préfèrent incriminer certains pays, notamment l'Angleterre, qui ont promu la révolution industrielle et développé un processus capitaliste particulièrement destructeur, raison pour laquelle on qualifierait l'ensemble de Capitalocène.

Dans son ouvrage "L'Anthropocène contre l'histoire" (La Fabrique, 2017), Andreas Malm défend la thèse qu'au début du XIXe siècle, en Angleterre, la machine à vapeur alimentée par le charbon a été adoptée malgré la supériorité de l'énergie hydraulique (moins chère, abondante, plus puissante) parce qu'elle facilitait l'exploitation de la main-d'œuvre docile présente dans les villes. « La compulsion d'augmenter l'échelle de la production matérielle n'est pas un attribut de l'espèce humaine mais une propriété émergente des rapports de propriété capitalistes. A partir du moment où les producteurs et les moyens de production ont été séparés, cette compulsion était inscrite dans la structure même de la production », écrit-il.

De là l'expansion sans fin de la production, la recherche effrénée de nouveaux gisements de charbon, la production exponentielle d'émissions de gaz à effet de serre. De là, le « capitalisme fossile », processus auto-alimenté brûlant tout sur son passage. De là – de ce lieu, de ce moment et de ce petit ensemble de personnes – la mise en péril de la vie de tous sur Terre, y compris les 2 milliards de personnes qui vivent sans avoir accès à l'électricité.

S'inscrivant toujours dans la perspective d'une nouvelle époque caractérisée par une destruction accélérée de l'habitat humain, d'autres auteurs encore mettent en cause l'Occident et son expansion coloniale : le terme « Plantationocène » est alors utilisé « pour nommer la transformation dévastatrice de divers types de fermes humaines, des pâturages, et des forêts en plantations extractives et fermées, qui se fondent sur le travail des esclaves et d'autres formes de travail exploité, aliéné, et généralement spatialement déplacé » selon Malcom Ferdinand.