2. L'évolution de la croissance

2.2. Les dégâts de la croissance

Personne ne peut remettre en cause les bienfaits que la croissance a amenés avec elle : 

  • progrès de l'hygiène et de la médecine entraînant la diminution de la mortalité infantile et augmentant l'espérance de vie en bonne santé, 
  • diminution des famines dans le monde, 
  • progrès dans l'éducation et dans la connaissance. 

Jean Fourastié a illustré de manière imagée ces progrès dans son fameux ouvrage,  "Les Trente Glorieuses", où il compare les niveaux de vie de deux villages, l'un « sous-développé » et l'autre présentant un niveau très élevé de développement économique, alors qu'il ne s'agit que d'un seul, considéré à deux dates différentes, 1946 et 1975.

La décennie 1970 est pourtant celle qui s'avère la plus critique et attire l'attention sur les dégâts dont s'accompagne la croissance. Le club de Rome, une sorte de think tank regroupant quelques personnalités aux profils diversifiés commande en 1970 un rapport à des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, dont les Meadows, qui rendent celui-ci en 1972 sous le titre : " Limits to Growth". Il va devenir un best-seller mondial. 

L'équipe du MIT construit un modèle dont les variables principales sont :

  • la population globale, 
  • la superficie cultivable par individu, 
  • les ressources naturelles restantes, 
  • le quota alimentaire par personne, 
  • la production industrielle par tête, 
  • le capital industriel global, 
  • le niveau de pollution, etc. 

De très nombreuses relations, ou "boucles", lient les évolutions de ces variables entre elles. Par exemple, la croissance du produit industriel par tête contribue à la croissance du capital industriel, qui lui-même engendre une augmentation de la production agricole, mais aussi la croissance de la pollution, ou encore, la croissance de la pollution influe de manière négative sur l'espérance de vie, et donc sur la taille de la population, ce qui en retour agit dans le sens d'une pollution moins importante, etc. 

L'équipe construit plusieurs scénarios et met en évidence que, quel que soit le scénario, la croissance perpétuelle conduira tôt ou tard à un dépassement des limites matérielles, suivi d'un "effondrement". Même si le progrès technologique est intense, que nous recyclons et contrôlons la pollution, l'équipe indique que l'effondrement se produira avant 2100.

Ce modèle va être très fortement critiqué notamment par l'économiste américain William Nordhaus au prétexte notamment qu'il n'intègre pas les prix : ces derniers sont censés assurer un rôle de régulation. Si une ressource naturelle vient à manquer, son prix est censé augmenter et les utilisateurs se porter vers des substituts – comme s'il existait des substituts pour toutes les ressources.

Presque quatre décennies ont permis d'évaluer la pertinence du rapport Meadows ou des critiques de ses détracteurs. En 2008, un chercheur australien, Graham Turner, confronte les données historiques de 1970 à 2000 avec les trois évolutions simulées par le modèle des Meadows en 1970. Il met en évidence la validité de la plupart des prévisions de l'équipe.