2. Le rôle des idéologies

2.4. Le libéralisme

Pour l’école économique dite "néoclassique", les prix se fixent par la loi de l’offre et de la demande, y compris le montant des salaires. Cette explication de l’économie est congruente avec le libéralisme, qui repose sur trois piliers :

  • le marché autorégulateur
  • l’état de droit
  • et le gouvernement représentatif

Le marché autorégulateur ou "main invisible" repose sur plusieurs dimensions complémentaires. La division du travail en opérations simples et répétées permet de produire plus dans un temps donné (productivité). L'échange à bénéfices mutuels permet à tous de s’enrichir. Plutôt que de produire chacun de son côté, le vin cher en Angleterre et le tissu cher au Portugal, les deux pays échangent du tissu contre du vin et se trouvent tous deux plus riches : ce sont les "avantages comparatifs". Cette logique de l’échange demeure la même jusqu’à nos jours, ainsi que le dit Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008. L’échange définit aussi une conception particulière du travail, comme activité générant la valeur ajoutée.

Léon Walras introduit l’idée que tous les marchés sont interconnectés entre eux, y compris le marché du travail, produisant un « équilibre général » des valeurs et des quantités produites, un ordre qui s’ajuste par les prix et les quantités. Le travail reçoit aussi son prix de cette manière-là : quand une compétence est rare, elle est fortement rémunérée, parce qu’elle fait l’objet d’enchères à la hausse. Le mécanisme de régulation est automatique et s’il connaît des crises, qui peuvent être graves, il finit toujours par se rétablir, au travers de l’ajustement marginal. Chacun est responsable de rentrer dans le jeu de l’échange.

Le libéralisme a trois manières d’envisager le rapport de l’État et du marché.

  • Pour la première, le marché est spontané car il résulte de la nature humaine. Il est l'expression de la liberté. C'est sur cette base que le FMI attend dans les années 1990 que les politiques de privatisation réalisées après la chute de l'Union Soviétique qu'elles libèrent l'initiative et le choix individuel.
  • La seconde considère que le marché doit être organisé. L’État assure les droits civils et politiques, organise les conditions d'une concurrence « libre et non faussée » contre les cartels et les monopoles. C'est la base de l'organisation du Marché Commun de l'Union Européenne ou des lois antitrust aux États-Unis.
  • Le troisième assigne à l’État une fonction sociale de correction des inégalités et injustices entre individus, qu'elles soient de richesse ou de liberté : c'est le « libéralisme social » ou « socialisme libéral » de J.S. Mill, qui soutient l'État-providence. Tous considèrent que les différends doivent se régler par l’intermédiaire du droit, qui a une fonction stabilisatrice.

Le libéralisme inclut un rapport au risque. L’entrepreneur est celui qui change l'ordre des choses en provoquant un déséquilibre sous la forme d’une nouvelle combinaison de travail et de capital. D’où les « révolutions industrielles » telles que chemin de fer, le textile, le pétrole ou l'électricité et plus récemment technologies de l’information. Le risque est lié à une anticipation de l’avenir. Il a un prix : le taux d’intérêt. Plus le projet est risqué, plus l’argent est difficile à obtenir et donc cher. Mais les projets les plus risqués peuvent aussi être ceux qui rapportent le plus. L’argent (le profit) et le prestige sont la rémunération de l’entrepreneur, que protège la propriété privée. C’est l'une des raisons qui expliquent que les libéraux soient plutôt en faveur des OGM ; mais qu’ils puissent aussi se montrer hostiles au nucléaire, dans la mesure où celui-ci implique des risques qu’aucune assurance privée ne peut couvrir.