2. Inégalités environnementales et sociales

2.2. L'exemple de Madagascar

Madagascar par exemple est l’un des pays qui contribuent le moins au changement climatique, au prix d’un maintien préoccupant dans la pauvreté. La consommation d’énergie est en effet essentiellement destinée à satisfaire les besoins primaires des individus, à savoir la cuisson des alimentsURL externe. Son insuffisance mine l’accès aux domaines-clés du développement. L’agriculture dépend de l’énergie humaine ou animale, la circulation des produits, des humains, de l’information est difficile, la diversification économique fragile, ce qui compromet l’accès à l’alimentation, à l’éducation, à la santé, l’augmentation des revenus.

Dans une économie primaire, le contrôle des ressources naturelles fait l’objet de stratégies concurrentes, qui déclenchent des crises environnementales inégales selon les régions et les groupes considérésRéf. biblio. Les paysanneries veulent étendre leurs terres agricoles et fabriquent du charbon de bois, aux dépens des forêts, célébrées par les biologistes occidentaux comme des trésors de la biodiversité.

Paysage agraire tanala, commune de Kelilalina, produit de la déforestation

Paysage agraire tanala, commune de Kelilalina, produit de la déforestation. Source : S. Moreau, Nov 2022

L’État favorise l’implantation de sociétés minières ou agricoles, souvent internationales, ce qui prive les paysans de leurs terres ou de leur eauRéf. biblio. Les ONG environnementales créent des aires protégées, alors que les orpailleurs, les trafiquants de bois précieux, ou les paysans exploitent les espaces forestiers. Les classes moyennes citadines, mangent, étudient, diversifient leurs activités, et s’internationalisent, mais dépendent aussi de l’énergie produite par les ruraux, le charbon de bois. Elles sont les plus atteintes par les maladies respiratoires générées par la pollution atmosphérique. De rares touristes fortunés profitent des paradis verts aux lémuriens bondissants, des plages de sables blancs et des coraux chatoyants.

Structure de la consommation énergétique à Madagascar

Source : Institut pour la Maîtrise de l’Énergie (IME), Madagascar
 Adaptation graphique : UVED

Les conflits environnementaux se multiplient, opposants individus, communautés, entreprises, ONG, État… et ceci d’autant plus que les premiers effets du changement climatique, sécheresses et cyclones accentués, fragilisent les ressources et leurs modes d’exploitation, que l’État n’a pas la capacité de soutenir des stratégies d’adaptation, et que le capitalisme globalisé accentue les appétits. Les inondations générées par les cyclones ou inversement les sécheresses accentuées ruinent l’agriculture, sans que des stratégies de secours ou d’adaptation nationale y pallient. L’État malgache joue de cette image de pays très vulnérable, pour pouvoir drainer des financements internationaux. 

Le sud de l’ile, le plus touché par l’insécurité alimentaire, le doit tout autant à l’aggravation des sécheresses, qu’à l’isolement et à l’absence d’État de droitRéf. biblio. Les projets de conservation ou d’exploitation des ressources encadrés par les institutions financières internationales appliquent des mesures de responsabilité environnementale et sociale issues des pays du Nord (études d’impacts, négociations de compensations, restauration écologique), qu’ils ont bien du mal à faire respecter.

Les paysanneries ont leurs propres modalités de gestion des ressources, mais ceux-ci sont déstructurés par la croissance démographiques, les crise politiques, et le changement climatique. Si certaines pratiques sont dénoncées par les environnementalistes, comme les défrichements, l’orpaillage, la fabrication de charbon de bois, les paysans savent aussi gérer de façon attentive l’eau et les sols, déploient des stratégies économiques anti-risques (diversification des cultures, des calendriers, combinaisons d’activités), adaptent des techniques agricoles novatrices, adoptent des dispositifs issus des pays du Nord (compensations socio-environnementales, REDD +)Réf. biblio. Mais ce qui est parfois présenté comme une résilience fondée sur les savoir-faire traditionnels, et une capacité d’adaptation exceptionnelle, ne suffit pas à rompre la crise sociale et environnementale.

Les mobilisations locales de type justice environnementale, protestant contre l’accaparement des ressources sont entravées par les conflits locaux, les articulations avec les mouvements internationaux sont compliquées par l’isolement, et la fragilité de l’État de droit compromet la résolution des conflits.

Il existe ainsi, dans les États du Nord, une dynamique de productions d’inégalités sociales et de nuisances environnementales, donnant lieu à des critiques et contestations, puis des tentatives d’atténuation, de remédiation, sans changement majeur du fonctionnement social, économique et politique, ce qui alimente de nouvelles contestations…. Cette dynamique qui permet de contenir les crises socio-environnementales, ne se retrouve pas dans les pays du Sud, où les inégalités, les dégradations environnementales, et les conflits s’emballent.