Principes de l'action internationale
2. Principes de l'action internationale
2.4. Un exemple de budget carbone pour un juste partage du fardeau climatique
D’après Bourban, la justice climatique suppose que chaque pays contribue à l’atténuation du changement climatique selon son degré de responsabilité ou de contribution au problème, et selon ses capacités ou ses aptitudes, notamment financières. Pour lui, l’Accord de Paris, ainsi que les contributions déterminées au niveau national, ne tiennent pas compte de ces deux critères, ce qui témoigne de l’absence d’équité. Un calculateur de l’équité a été conçu dans le cadre du Climate Equity Reference project . Il s’appuie sur 2 critères :
- les émissions nationales pour mesurer la responsabilité,
- les revenus par habitant pour mesurer la capacité,
en fixant un seuil en-dessous duquel des personnes sont exclues du calcul.
Une distinction est faite entre
- « équité élevée » (prise en compte des émissions nationales cumulées depuis 1850 pour calculer la responsabilité, et seuil de développement fixé à 7500 dollars US par habitant et par an pour calculer la capacité),
- « équité moyenne » (prise en compte des émissions à partir de 1950 et seuil de 7500 dollars pour les revenus),
- « équité faible » (prise en compte des émissions à partir de 1990 et seuil de revenus fixé à 2500 dollars US).
Les calculs effectués montrent que les contributions nationales des pays développés sont largement inférieures à la part équitable de l’effort qui leur incomberait suivant ce mode de calcul. Il montre que certains pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et en développement (Kenya, îles Marshall, Indonésie) ont des engagements qui entrent dans le spectre de l’équité.
Pour Larrère, il faut décrypter les aspects éthiques du principe de la responsabilité historique des pays développés pour analyser ce qui relève de:
- la justice corrective (comment il est envisagé de redresser les injustices criantes, de donner la parole à ceux qui en sont exclus) ;
- la justice distributive (comment il est envisagé de répartir équitablement les coûts de l’atténuation et de l’adaptation).
Pour Lavallée et Maljean-Dubois, il s’agit de décrypter :
- les engagements différenciés entre pays développés et pays en développement (les deux autrices notent un assouplissement de ces différences dans l’Accord de Paris : assouplissement du principe de la responsabilité historique des pays développés) ;
- les financements à mobiliser par les pays développés (pour l’atténuation dans les pays en développement et pour leur adaptation) ;
- le mécanisme « des pertes et préjudices » (mécanisme international de Varsovie - Pologne) pour les pays en développement (comment il envisage de compenser les pertes et les dommages subis par ces pays ?
Les deux autrices notent qu’il ne prévoit pas d’indemnisation.
En relevant que la notion de justice climatique figure dans le préambule de l’Accord de Paris, Michelot considère que cela ne confère qu’une importance marginale à cette notion, bien que son importance soit reconnue pour « certaines cultures » dans l’action menée face aux changements climatiques. Il s’agit d’une concession faite aux défenseurs des droits de la Terre mère (ou Terre nourricière), suite à la conférence mondiale des peuples contre le changement climatique (Cochabamba, Bolivie, 2010), cette conférence ayant eu lieu à la suite de la création en 2004 de l’Alliance bolivarienne pour l’intégration des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes dans un nouvel ordre international multipolaire. La justice climatique, au regard de l’Accord de Paris, n’est donc reconnue que par certaines cultures, et non par les Etats. Trois champs de lecture de la justice climatique peuvent être identifiés dans l’Accord de Paris :
- La responsabilité (actions à mettre en œuvre et coûts à assumer par les pays développés) ;
- L’équité, d’une part entre pays développés et pays en développement (avec parfois la nécessité de tenir particulièrement compte des Pays les Moins Avancés et des Pays Insulaires en Développement), et d’autre part entre générations présentes et générations futures ;
- L’équilibre, d’une part entre objectifs à atteindre et moyens et capacités, d’autre part entre atténuation et adaptation, entre émissions anthropiques par les sources et absorptions anthropiques par les puits, entre approche accusatoire pour les pays développés et approche par l’action.
La différenciation ou la graduation apparaissent comme des fils conducteurs de la justice climatique dans l’Accord de Paris. Il s’agit de faire en sorte que la communauté internationale conçoive et mette en œuvre des actions en tenant compte de la vulnérabilité des pays aux changements climatiques, de leurs capacités de financement et d’adaptation. Mais l’utilisation fréquente du conditionnel, s’agissant notamment des engagements des pays développés à l’égard des pays en développement, atténue la portée de cette différenciation/graduation dans l’Accord. La multitude de critères et de propositions faites par des chercheurs cités ci-dessus montrent la complexité (d’un point de vue conceptuel) et la difficulté (d’un point de vue opérationnel) de la problématique du budget carbone en termes de répartition juste des efforts à fournir par les Etats pour régler le problème environnemental global qu’est le changement climatique.