2. Géographie des COP

2.2. Critique du protocole de Kyoto

Une critique majeure qu’on peut faire a posteriori à l’égard du Protocole de Kyoto est l’exonération à réduire leurs émissions de GES des pays en développement, et en particulier les pays émergents, dont la Chine, l’Inde et le Brésil. N’étant pas tenu de réduire ses EGES dans le cadre du Protocole, la Chine est rapidement devenue premier pays émetteur de GES depuis 2007, devenue la 1ère industrie du monde. Le Protocole n’avait pas anticipé l’émergence économique de ces pays, ainsi que la baisse du poids des États, au bénéfice des multinationales, dans la gouvernance économique et commerciale mondiale. Il n’a pas anticipé et pris en compte les alternatives et les propositions venant de la société civile, qui reconfigurent la lutte contre les changements climatiques, en portant la problématique de la justice climatiqueRéf. biblio.

Compte tenu de l’inefficacité de l’approche top down du Protocole de Kyoto, consistant en l’attribution, aux pays développés et aux pays à économie en transition, des quotas d’EGES ou des engagements chiffrés de réduction des EGES, l’Accord de Paris a adopté une autre approche, qualifiée de bottom-up : les contributions nationales. Il est demandé à chaque pays, qu’il soit développé, en développement ou émergent, de déterminer lui-même ses engagements et sa feuille de route pour lutter contre les changements climatiques, l’enjeu global et l’objectif politique général étant de contenir l’augmentation de la température moyenne de la Terre en deçà de 2°C, voire 1,5°C d’ici 2100, par rapport à la période préindustrielle. 

C’est donc à partir de l’agrégation des contributions nationales, volontaires et non contraignantes, que l’Accord est bâti et la lutte contre les changements climatiques rebâtie au niveau international. Le principe des responsabilités communes mais différenciées est, de manière sous-jacente, remplacé par le principe des capacités respectives des États. Adopté en 2015 pour être appliqué à partir de 2020, l’Accord a été rapidement ratifié par la quasi-totalité des États et est entré en vigueur dès 2016. Il est considéré comme étant un accord-cadre universel, reflet du contexte actuel caractérisé par le quasi effondrement du climato-scepticisme. Malgré le retrait des États-Unis durant le mandat du président Trump entre 2017 et 2021, ainsi que les critiques exprimées par l’ex président du Brésil, Jair Bolsonaro, tous les États veulent montrer qu’ils sont soucieux des changements climatiques et qu’ils s’y attaquent. Mis en œuvre en impliquant en principe tous les pays, l’Accord va au-delà de l'atténuation (réduction des EGES) pour envisager l’adaptation, la vulnérabilité, la résilience, la transition énergétique et le développement sobre ou bas carbone. Mais les actions à mettre en œuvre restent imprécises.

Bien que géographiquement plus élargi que le Protocole de Kyoto, l’Accord de Paris ne parait pas pour autant ambitieux et susceptible de s’attaquer efficacement aux changements climatiques, au regard de la portée des contributions nationales agrégées. Si les engagements pris par les États et si les actions qu’ils envisagent dans ces contributions sont effectivement mises en œuvre, l’augmentation de la température moyenne de la Terre serait néanmoins de l’ordre de 3,5°C à l’horizon 2100, largement au-dessus de l’objectif de 1,5°CRéf. biblio. Comme le Protocole de Kyoto, l’Accord n’a pas pris en compte le complexe ou la complexité de la gouvernance du monde, avec le rôle de plus en plus prépondérant des multinationales, et les turbulences économiques et commerciales internationales. D’après Aykut et Dahan (2015), il y a un schisme entre l’Accord et les réalités du monde, car l’Accord met les désaccords sous le tapis et n’esquisse pas de solutions concrètes pour sortir des énergies fossiles.