Témoignages et retours d'expérience d'universités

1. A propos de la séquence

1.2. UE obligatoire Energie et climat - Université Paris Cité

Témoignage : Guillaume Blanc, maître de conférences à Université Paris Cité.

Genèse

Suite au rapport du Shift Project « Mobiliser l’enseignement supérieur pour le climat » paru en mars 2019, j’ai pris conscience de l’importance de former systématiquement les étudiants sur le réchauffement climatique, au-delà d’éventuels cours optionnels (ce que je fais en L3 depuis 2014). J’ai proposé à mon collègue responsable des L1 et L2 de trouver un créneau d’une vingtaine d’heures pour cela.

Il a ainsi pu dénicher, et ce en plein milieu d’un cycle de « maquette », 18h pour des cours magistraux. L’UE s’appelle « Énergie et climat », elle représente 3 ECTS. Néanmoins, je me suis rapidement rendu compte qu’il fallait aller au-delà de l’unique prisme climat et énergie, pourtant logique pour des étudiants en physique, pour aborder les enjeux écologiques de manière globale et systémique sous l’angle des limites planétaires. J’ai ainsi contacté des collègues d’autres UFR (chimie, sciences du vivant, sociologie) afin qu’ils/elles fassent des cours sur les sujets en dehors de mes compétences (cycles biogéochimiques, biodiversité, sociologie de la transition). L’idée également sous-jacente derrière cette stratégie était de provoquer l’essaimage d’un tel enseignement dans d’autres composantes de l’université. Si cela peine à se réaliser dans les faitsDéf., cette idée est toujours d’actualité. URL externe

Evolution et description

L’enseignement concerne environ 70-80 étudiants chaque année de la Licence de physique. Il a lieu au second semestre entre mi-mars et mai.

La première année, au printemps 2021, le cours a été donné exclusivement à distance pour cause de pandémie de covid-19. L’évaluation s’est alors faite en contrôle continu avec des QCM en ligne sur chaque cours. Un compte-rendu est disponible sur The Conversation : « Retour d’expérience sur l’enseignement de l’anthropocène à l’université »

Le cours est articulé en 9 séances de 2h (accès au programme détaillé) :

  • Introduction à la démarche scientifique
  • Réchauffement climatique
  • Cycles biogéochimiques
  • Biodiversité
  • Économie de la transition
  • Enjeux des transitions environnementales
  • Pollutions
  • Énergie dans la société
  • Une dernière séance aborde sous forme de discussion les solutions envisageables. Les années suivantes, elle est transformée en un cours sur la décroissance.

L’année suivante, en 2022, nous sommes passés en présentiel exclusif, avec 3 travaux dirigés (TD) de 2 heures en plus, en groupe restreints. Ces TD portent d’une part sur le bilan gaz à effet de serre, avec quelques exercices d’ordre de grandeur pour comprendre le principe, à l’issue desquels les étudiants sont amenés à faire leur propre bilan à l’aide de l’outil en ligne Nos Gestes Climat. Ils doivent récolter préalablement leurs données de consommation annuelles (carburant, chauffage, électricité, alimentation, biens divers). Une discussion s’ensuit sur comment le diminuer (aspects individuels et collectifs) et sur les limites de l’exercice (empreinte du carbone uniquement, inégalités sociales, etc.). Un autre TD porte sur la lecture d’un extrait d’un texte de Ivan Illich (issu de La Convivialité, 1973) avec un regard critique sur la technologie, dans l’objectif d’amener la discussion sur la place de celle-ci dans la société actuelle.

En 2023, j’ai condensé un peu le TD sur le bilan gaz à effet de serre pour ajouter un mini-projet d’inventaire de la biodiversité urbaine du campus et des environs afin de faire prendre conscience aux étudiants de la vie (y compris non cultivée à dessein) qui existe dans les interstices du béton. Le cours a lieu au printemps, fin mars – début avril, ce qui permet à nombre de plantes et d’animaux (insectes, oiseaux) d’être présents. Cet enseignement a lieu sur le campus des Grands Moulins de l’université Paris Cité (Paris 13e). Divers outils numériques et des livres d’identification étaient à la disposition des étudiants, mais l’application iNaturalist a eu leurs faveurs.

En 2024, nous aurons 2h de cours magistral en plus, 4h de TD en plus, et une formation supplémentaire suivra cet enseignement (une trentaine d’étudiants en double licence physique chimie).

Evaluation et pédagogie

Depuis 2022, l’évaluation de cet enseignement se fait via un examen avec des questions de cours, des calculs d’ordre de grandeur, et un petit texte à analyser et commenter.

Les modalités pédagogiques sont propres à chaque enseignant. Pour ma part, comme dans d’autres cours, j’ai opté pour des cours en « inversé ». À partir de 2022, j’ai donné un fascicule écrit aux étudiants avant le cours contenant l’intégralité de ce qu’il y a à savoir ; devant les étudiants je reviens sur les notions essentielles, je pose des questions de compréhension sous forme de quiz, et je propose des petits calculs d’ordres de grandeur ou des réflexions collectives autour d’un texte ou d’une vidéo projetée au préalable.

Accueil par les étudiants

Les cours magistraux en présentiel ont été peu fréquentés en 2022 et 2023 (environ 30 à 50% de présence, ce qui est néanmoins à mettre en regard avec des effectifs similaires sur les autres enseignements « standards » ces deux années-là), mais les étudiants présents sont assidus et intéressés. 

Un sondage en fin d’enseignement (39% de participation en 2023) montre que 63% des répondants trouvent cet enseignement « nécessaire » ou « utile », 43% ont pris conscience de la gravité de la situation environnementale. À la question «  Ce cours m'a donné envie de m'engager », seulement 27% n’y tiennent pas, les autres envisagent diverses possibilités, dont « réduire son empreinte carbone », en apprendre davantage ou sensibiliser son entourage.

Evaluations et conclusions

Les résultats des évaluations sont malgré tout assez décevants, les questions de cours trop souvent mal répondues sur des aspects pourtant essentiels. Cet enseignement, s’il est apprécié et travaillé par une partie (minoritaire) des étudiants, est probablement considéré comme secondaire et non indispensable par la majorité. Par ailleurs, le format peut-être plus proche des sciences humaines que de la physique pour une bonne partie des cours est peut-être déstabilisant (les étudiants en physique, malgré une formation à leur arrivée à l’université à la « méthodologie universitaire », sont, par exemple, peu habitués à prendre des notes) : le travail demandé, implicitement, de réflexion et de synthèse doit probablement être plus clairement énoncé, voire aidé.

Nous devrons donc réfléchir dans les années suivantes à comment faire en sorte qu’une majorité d’étudiants puisse mieux « intégrer » cet enseignement, à défaut de le digérer rapidement, afin d’améliorer le niveau global de connaissances à la fin du cours.